© Victor Tonelli
ƒƒ Article de Sylvie Boursier
Si tu t’en vas ne raconte pas une histoire, il pose des questions, les creusent et, à force de creuser, tombe sur d’autres questions à l’infini. Cet intense moment de théâtre dialectique interroge notre monde à travers le prisme de la relation professeur-élève bien loin des poncifs sur l’école.
Pourquoi faire des études aujourd’hui ? Quel est le sens du travail ? L’expérience est-elle transmissible ? Comment être sûr qu’on fait les bons choix ? Nathan, un élève apparemment « sans problèmes », décide un jour de quitter l’école pour un business purement lucratif, vendre des baskets sur internet. Mme Ogier, son professeur va tout faire pour l’en dissuader.
Quatre chaises et deux tables, la légèreté de la forme donne le sentiment d’un déséquilibre constant, d’un jeu sur le fil de toutes les nuances d’interprétation, les temps morts, les suspensions, l’arythmie. Les personnages évoluent avec la conscience qu’ils sont à vue, regardés, jugés, le public figurant symboliquement la salle de classe. Ils créent ainsi une tension dramatique entre la fiction et sa représentation. Ce spectacle rappelle le mémorable Pas de Bême, créé en 2014 par Adrien Béal, où un adolescent sans histoire, apparemment intégré à son environnement, rendait systématiquement des copies blanches sans explications. Cela créait une effraction en lui, dans la communauté scolaire, sa famille, ses amis, avec des effets dévastateurs. Le pas de Nathan, son écart par rapport à ce qu’on attend de lui, est une grenade dégoupillée qui réveille l’esprit de révolte et les désirs enfouis de l’enseignante. Après un début convenu, la pièce ouvre un espace de vie hors d’une reproduction des rôles. On sent que quelque chose pourrait basculer à tout moment et au final, qu’on ne dévoilera pas, quelque chose bascule effectivement. Kelly Rivière dans le rôle de Mme Ogier a une présence scénique unique (on se souvient de son formidable seule en scène An Irish Story, repris actuellement à La Scala). Pierre Bidard fait plus que tenir le choc, il nous dame le pion littéralement, très émouvant dans ses états du moi contagieux. Chacun est renvoyé à sa page blanche, à une promesse de vie meilleure, hors du triste carcan de l’ennui.
Très intelligemment Kelly Rivière ne répond pas aux questions posées, n’alourdit pas son propos de considérations sociologiques, elle ouvre des brèches, rebat les cartes, déplacent les lignes de fuite. Nathan parait très investi dans son projet qui tient la route. Qu’aurions nous fait à sa place ? Quand un réel dialogue se noue entre professeur et élève la relation perdure très longtemps, la communauté enseignante peut-elle rêver plus bel hommage ?
© Victor Tonelli
Si tu t’en vas, texte de Kelly Rivière
Mise en scène : Philippe Baronnet
Lumière : Eliah Elhadad Ramon
Son : Julien Lafosse
Vidéo : Pauline Gallinari
Durée : 1h10
Du 11 novembre 2024 au 25 juin 2025
Le lundi à 19h15 ou 21h15
Théâtre La Scala
13 boulevard de Strasbourg
75010 Paris
Réservation :
01 40 03 44 30
www.lascala-paris.fr
Tournée :
2024
7 et 8 novembre, 9 décembre : Le Trident Scène Nationale Cherbourg-en-Cotentin
11, 15, 18, 19, 29 novembre, 3 et 17 décembre : Théâtre La Scala Paris
19 décembre : Théâtre Municipal de Coutances
2025
13 janvier : Dieppe Scène Nationale
15 janvier : Théâtre de la Ville de Saint-Lô
6 mars : Théâtre du Château, Eu
20 mars : Athénée Théâtre de Rueil-Malmaison
1er, 8, 15, 22, 29 avril
6, 20, 27 mai
3, 10, 17, 24, 25 juin : Théâtre La Scala, Paris
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