© Marie Charbonnier
ƒ article de Denis Sanglard
Les chansons d’une vie, de celles qui vous marquent à jamais, qu’on ne supporte plus où que l’on écoute jusqu’à la nausée, marqueurs d’une existence, d’un évènement singulier. Souvenir musical et petite rengaine, trois petites notes qui vous font la nique et qui un jour sans crier gare… comme dit la chanson d’Henri Colpi. Solal Bouloudnine a un peu plus de 6 ans quand meurt son voisin, Michel Berger. A peine 7 ans donc et la conscience aigüe et soudaine du concept de finitude qui vous tombe dessus, la fin prématurée de l’enfance depuis ce foutu 2 août 1992 qui voit s’écrouler sur un cours de tennis un monument de la chanson française. Et l’obsession de la mort qui vous envahit sournoisement et furieusement. Solal Bouloudnine exorcise là son enfance étrangement troublée par cet évènement donc, et tente de conjurer l’avenir. Si tout à une fin, si la fin est dans le commencement autant commencer par la fin avant de revenir, pour conclure, au début. Ça c’est pour la structure un peu foutraque de ce one-man show vitaminé ou Solal Bouloudnine brosse le portrait d’une génération, la sienne, celle des années 1990. Il n’y a qu’à observer la scénographie, le foutoir d’une chambre d’un presqu’adolescent, pour y puiser matière archéologique de ces années-là. Et il y a foule dans cette chambre. Père chirurgien pédagogue et mère juive envahissante (un pléonasme à vrai dire), institutrice en burn-out, prof de sport nicotiné, rabbin malicieux et même France Gall, étrangement devenue ici sourde. Ce petit monde croqué par Solal Bouloudnine avec humour et tendresse vache. On y évoque aussi sa propre conception, schéma anatomique à l’appui, autant que le cancer qui ronge les patients de son père ; question en somme de boucler la boucle mais avec le rire pour exutoire. Où l’on questionne son identité juive en ayant pour toute réponse qu’une blague, l’humour juif a réponse à tout. Et puis il y a la vie comme elle va, les rencarts pourris des amours de gosses, les cauchemars et les rêves d’un ado, le hasard des rencontres qui déterminent l’avenir, les ambitions de l’adulte. Où l’on se dit au regard de la démonstration pleine d’autodérision qu’il a bien fait d’arrêter le stand-up. Tout ça traversé des chansons de Michel Berger en contrepoint où Solal Bouloudnine réussit même l’exploit de chanter l’indétrônable « stone, le monde est stone » en yiddish et ne se remet visiblement pas lui non plus de la rupture avec Véronique Sanson (en 1972, soit dix ans avant sa naissance !). Tout ça est rondement mené, c’est drôle, parfois cruel, oui, mais pas sans tendresse. Un autoportrait en demi-teinte ou derrière le rire sourd l’angoisse du dernier rendez-vous, l’ultime face à face. « Seras-tu là ? » pour qui entend cette chanson, contient sans nul doute et tout à la fois la réponse et la question posée en tapinois au long de cette création plus sensible qu’elle ne veut paraître.
© Marie Charbonnier
Seras-tu là ? conception et jeu Solal Bouloudnine
Texte : Solal Bouloudnine, Maxime Mikolajczack et Olivier Veillon
Mise en scène : Maxime Mikolajczack et Olivier Veillon
Création lumière et son, régie générale : François Duguest
Musique : Michel Berger
Du 21 au 23 juillet 2021 à 20 h
Les Plateaux Sauvages
5 rue des plâtrières
75020 Paris
Réservations
T+ 01 44 94 98 13
www.parislete.fr
Tournée :
Du 26 au 30 juillet 2021 NEST CDN de Trouville
7 janvier 2022 : L’éclat Pont-Audemer
11 au 14 janvier 2022 : Tournée en PACA avec le Forum Jacques Prévert-Carros
Janvier/Février 2022 : Le Montfort, Paris
Janvier/Février 2022 : Théâtre Sorano, Toulouse
8 au 18 février 2022 :Théâtre 13, Paris
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