Critique de Camille Hazard –
Je te désire
Tu me désires
Il te désire…
Jonathan et Latifa s’aiment, ils se sont offert aux regards dans un baiser incendiaire…Ce rapprochement amoureux sera à l’origine de révélations, de témoignages éloquents de la part de tous les témoins. Ce baiser brûlant dont tout le monde rêve adolescent, cet acte qui nous transporte dans un monde magnifié est bien la cause de désirs incandescents, de confessions mais aussi de questions intimes.
Le spectacle s’ouvre sur quatre jeunes réunis et pourtant tous figés dans une individualité. Ils nous racontent l’histoire de ce baiser : le jeu est frontal, franc, sans détour. L’auteur Luc Tartar, n’hésite pas à mêler le langage poétique et les mots crus que se jettent parfois les adolescents. Une façon de faire osciller les personnages entre espoir, rêve et abandon.
© Caroline Laberge
Ces adolescents, sortis tout droit de la pièce L’éveil du printemps de F.Wedeckind, sont chargés de sentiments extrêmes, tout est vécu à fleur de peau. Ils passent naturellement et naïvement d’un état dépressif, de doute et de peur, à un état d’oubli provoqué par de la musique aux décibels assourdissants, aux blagues entre copains… Ils s’élancent chacun dans un tourbillon tumultueux d’actions et de réflexions par nécessité de survie.
« Quinze années d’apprentissage du monde et aujourd’hui mon cœur se tord… »
Quatre tableaux forment la structure du spectacle ; « s’embrasent, s’empiffrent, sentinelle, sang-froid ». Les personnages travaillent le décor sous nos yeux en recouvrant un immense tableau noir d’école, d’inscriptions, de messages, de tags… Luc tartar atténue les propos virulents de ces adolescents par le personnage d’une dame âgée : celle-ci revit sa jeunesse à travers eux, ses souvenirs sont tendres et poétiques. N’est-ce pas le plus bel âge de la vie, l’âge où tout n’est que promesse ? L’auteur sous-entend que ces états d’âme et ces questions brûlantes ne sont sans doute rien comparé aux questions qui accompagnent notre vie d’adulte..
« Jonathan sexuellement, il nous en fait baver. Il se tient dans la cour, droit, il fait rien juste que respirer le corps alangui ouvert au monde et ça nous fait trembler ». Éric Jean a axé sa mise en scène sur le mouvement, le geste, le signe, des trajectoires simples, qui courent sans jamais se poser comme les personnages. Il se dégage de ce spectacle toute la fraîcheur de la jeunesse mais aussi une grande maturité de réflexion. Le texte est un hymne au désir ; le désir d’être aimé, de vivre, le désir des corps…Les comédiens nous emportent dans une belle énergie ; comme des enfants qui jouent à « être » par nécessité de se livrer, ils investissent divers personnages dans leur jeu (tantôt infirmière, professeur, père, mère).
S’embrasent
Texte : Luc Tartar
Mise en scène : Éric Jean
Par : la Compagnie Le Théâtre Bluff
Avec : Francesca Bàrcenas, Christian Baril, Matthieu Girard, Talia Hallmona et Catherine Béguin
Assistante à la mise en scène et régie : Stéphanie Raymond
Scénographie : Magalie Amyiot
Éclairage : Martin Sirois
Costumes : Stéphanie Cloutier
Son : Olivier Gaudet SavardDu 23 septembre au 2 octobre 2010
Dans le cadre du festival Les Francophonies en LimousinCentre culturel Jean Gagnant (Limoges)
11 avenue du Général de Gaulle, 87 000 Limoges