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Scènes pour une conversation après le visionnage d’un film de Michael Haneke, d’El conde de Torrefiel

Nov 28, 2015 | Commentaires fermés sur Scènes pour une conversation après le visionnage d’un film de Michael Haneke, d’El conde de Torrefiel

ƒƒ article de Florent Mirandole

8-elcon1 © Mara Arteaga Hérnandez

Que se raconte-t-on après un film de Michael Haneke ? La violence sourde des films du réalisateur autrichien incite souvent à garder le silence… Le collectif d’El conde Terrofiel au contraire a choisi de s’en inspirer pour raconter sa propre histoire. Sur la scène du théâtre de la Bastille, les cinq comédiens de la troupe espagnole  se relaient au micro pour raconter des scènes de vie. Au mur s’inscrit la traduction en français, pendant que les autres comédiens illustrent l’histoire racontée. Lumière, corps ou matière, la mise en scène est souvent minimaliste. Car le cœur de cette pièce étrange et furieuse, ce sont ces courtes scènes racontées sur un ton presque neutre.

Une expérience de sexe à trois, la séparation d’un couple, une fête sévillane qui tourne mal… autant de scènes qui dessinent par touche le portrait d’une population espagnole pessimiste, paumée et révoltée. On croit reconnaître en creux une critique féroce des cures d’austérité imposées par Madrid depuis sept ans. Les histoires ont d’ailleurs souvent une fibre politique, l’omniprésence de l’Etat est souvent dénoncée. On peut également y voir le portrait d’une société malade, nerveuse, qui exprime son mal inconscient au milieu de sa vie quotidienne.

C’est à travers le récit des histoires les plus simples, qui commencent par « un homme va au cinéma » ou un « un homme promène son chien », que la troupe frappe le plus fort. On retrouve ici un lien avec les méthodes d’Haneke. Au milieu du quotidien, de l’existence tranquille, des personnes sans histoire vous éclaboussent tout à coup de toute leur violence contenue.

La troupe se révèle particulièrement talentueuse pour créer ces ruptures au milieu de leurs petites nouvelles. Chaque histoire bouscule, dérange, et finit par laisser un goût amer dans la bouche. Un constat s’impose au terme de cette heure et demi de spectacle : quelque chose cloche dans la société espagnole.

Mais le talent concentré sur les histoires ne fait malheureusement pas un spectacle à lui tout seul. La mise en scène à base de corps dénudés et d’objets incongrus se révèle trop squelettique pour animer cette pièce. On regrette l’absence de dialogue, de mouvement et de prises de risque des comédiens. Une incarnation aurait permis de mieux faire raisonner ces histoires. Scènes pour une conversation… reste malgré tout un spectacle déroutant et efficace, mené par une troupe d’acteurs manifestement révoltés.

Scènes pour une conversation après le visionnage d’un film de Michael Haneke
Conception et mise en scène El Conde de Torrefiel
Texte et dramaturgie Pablo Gisbert
Traduction en français Cristina Vinuesa, Nicolas Chevallier
Lumières Marcela Prado
Son et arrangements Rebecca Praga

Avec David Mallols, Isaac Forteza, Quim Bigas, Mario Pons-Macià et Tanya Beyeler

Du 24 au 28 novembre 2015 à 21 h

Théâtre de la Bastille
76 rue de la Roquette – 75011 Paris
Métro Bastille (ligne 5,1,8)
Réservation 01 43 57 42 14
www.theatre-bastille.com

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