© Marie-Elise Ho Van Ba
ƒƒ article de Denis Sanglard
Sandre, un prénom qui n’existe pas pour un enfant qui n’existe pas. Le récit glaçant d’un amour qui se délite, d’une femme meurtrie, humiliée et son geste ultime, sidérant, un néonaticide. Dans cet acte où la conscience est altérée, les mères absentes à elles-mêmes à la différence de l’infanticide où le geste est conscient, Solenn Denis s’emploie sans jugement à comprendre et dans cette abscence même, cette fêlure s’engouffre et plonge au cœur d’une douleur, d’une vie mutique à qui elle offre un espace de parole et d’écoute. Récit poignant qui n’enlève rien à la culpabilité, ce n’est d’ailleurs pas le sujet, mais éclaire ce geste à nous incompréhensible par son contexte qu’elle dépouille de tout commentaire psychologique. Histoire d’une femme, dont le centre unique et gravitationnel est son foyer, son mari, ses deux enfants. Une vie banale. Une femme trompée très vite et bientôt quittée alors enceinte de son troisième et dont elle ne dit rien. Un monde qui s’effondre brutalement et cette conclusion apportée hors-norme. C’est un texte d’une grande puissance qui déroule une vie fait de petits riens, de tartes tatins renversées, de voyages avortés, de mensonges. De prise de poids et de beauté vite fanée. De désamour. On a le cœur vite pris par cette vie effacée et soumise au mensonge et qui s’effondre. Et c’est dit comme ça, en douceur, sans émotion aucune, avec tant de pudeur par Erwan Daouphars. Un homme, pour qui le texte a été écrit… Heureuse trouvaille à vrai dire qui apporte une distance nécessaire face à l’insoutenable que l’on sait advenir. Nullement travesti, en jean et tee-shirt, de sa voix grave et douce il n’en fait jamais plus que ce qui est énoncé. Un jeu sur la réserve, tout en finesse, sobriété et pudeur. Assis sur ce fauteuil voltaire qu’il ne quittera pas, sauf brièvement une fois, il déroule cette vie monotone comme on se délivre d’un poids, d’un secret et dont nous, spectateurs, serions les dépositaires. Reste, tenace, cette absence qui sourd, cette béance qui au final envahit insidieusement tout le texte, l’acte lui-même dont il ne dira rien parce qu’il n’y a rien à en dire, parce que pour cette femme qui raconte il n’a pas eu lieu. Juste cette remarque elliptique et terrifiante d’une journée comme une autre où elle a fait le ménage, tout nettoyé et descendu les poubelles. Une négation d’un geste qui nous sidère mais qui nous échappera toujours quelques soient les clefs fictionnelles données par Solenn Denis qui ne prétend pas à la vérité mais fait acte de d’écrivain dessinant le portrait d’une femme blessée, gelée, qui bascule dans la tragédie.
Sandre de Solenn Denis
Interprétation Erwan Daouphars
Mise en scène Collectif Denisyak
Conception lumière Yannick Anché
Conception scénographique Philippe Casaban et Eric Charbeau
Costumière Muriel Leriche
Construction décors Nicolas Brun
Du 27 mars au 8 avril
Mardi et mercredi à 20h
Jeudi et samedi à 19h
Vendredi 30 mars à 19h, 6 avril à 20h
Dimanche à 16h
Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 Paris
M° Couronnes ou Parmentier
Réservations 01 47 00 25 20
www.maisonsdesmetallos.paris
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