À l'affiche, Critiques // Sambasô, danse divine, conception et scénographie de Hiroshi Sugimoto, à l’Espace Cardin / Théâtre de la Ville Hors-les-murs / Festival d’Automne à Paris / Japonisme

Sambasô, danse divine, conception et scénographie de Hiroshi Sugimoto, à l’Espace Cardin / Théâtre de la Ville Hors-les-murs / Festival d’Automne à Paris / Japonisme

Sep 20, 2018 | Commentaires fermés sur Sambasô, danse divine, conception et scénographie de Hiroshi Sugimoto, à l’Espace Cardin / Théâtre de la Ville Hors-les-murs / Festival d’Automne à Paris / Japonisme


© Odawara Art Fondation

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Le théâtre de la Ville, toujours dans le cadre de la manifestation Japonisme, invite Hiroshi Sugimoto, photographe et sculpteur, artiste multidisciplinaire, et les danseurs Mansaku, Mansai et Yûki Nomura, père, fils et petit-fils (la lignée remonte au XVème siècle). Nous avions déjà eu l’occasion de découvrir Mansai Nomura II en 2014 à la Maison de la Culture du Japon pour un Macbeth de Shakespeare version Nô, Kyogen inclus donc, ébouriffant et inventif. Là, sur le plateau de l’Espace Cardin, où repose le plateau bordé de ses quatre piliers traditionnels, ici tronqués pour une simple évocation, et sur lequel on accède par le Hashigakari, passerelle de bois ménageant les entrées des acteurs, Hiroshi Sugimoto met en espace Sambasô, performance singulière d’un acteur de Kyogen au sein de la pièce Okina, danse et rituel shintoïste intégré au Nô. Prière pour une récolte, deux danses se succèdent, l’une sans masque, la seconde avec le masque noir Kokushikijo. On ne danse pas Sambasô, on « foule Sambasô ». C’est un rituel archaïque, une bénédiction où le pied dame le sol, le prépare à la récolte. L’acteur, qui porte aussi le nom de Sambasô devient l’intermédiaire de la divinité, un Yorishiro. Le masque lui-même devient un objet cultuel. Ainsi dialogue le kami avec les esprits qui hantent la terre foulée. Mansaku Nomura II (accompagné de son fils Mansai Nomura), d’une extrême concentration, est d’une énergie phénoménale et nous emporte loin, très loin. Puissance de frappe des pieds, précision du geste, le sol tambouriné résonne et gronde. C’est une montée maîtrisée et progressive où le rythme va s’accélérant et amène à la transe. Non celle du danseur mais du spectateur fasciné, happé par ce rythme et ce rituel archaïque et si sophistiqué.  Difficile de relater les impressions multiples et contradictoires qui se superposent au long de cette cérémonie captivante. C’est au-delà des mots. Une expérience réellement physique qui brouille toute pensée et vous traverse pour n’être que sensation pure. Il faut accepter l’abandon, d’être irradié et captif par cette énergie qui va crescendo et vous laisse médusé et perdu. Fascination d’occidental pour une danse inconnue, sans doute, mais surtout appréhension d’un mystère qui touche au sacré, à l’origine profonde de la danse comme nous le découvrions avec le Gagaku il y a peu à La Philharmonie de Paris. Une ouverture sur le Japon et ses mythes fondateurs. Bien que revisité avec intelligence par Hiroshi Sugimoto, scénographie, costumes et lumières – somptueux – l’esprit Sambasô demeure et les esprits veillent toujours.

En contrepoint, en première partie, Tsukimizatô, « l’aveugle qui admirait la lune », Kyogen traditionnel, cet intermède comique, alternative au tragique du Nô dont il est une composante. C’est une fable et comme toute fable transcende le temps, où un vieil aveugle dont le cœur est capable de voir la beauté du monde rencontre un homme de la ville avec qui il partage le saké. Cet homme envieux de la poésie du vieil homme finit par le bastonner. C’est une fable cruelle ou la naïveté du vieillard provoque le rire. Tout l’art subtil du Kyogen, art  populaire, expressif et stylisé, entre dialogues et kata. L’occasion de découvrir en vieillard aveugle et naïf Mansaku Nomura II, « trésor national vivant », magistral dans la maîtrise de son art. 40 petites minutes de bonheur pour une leçon d’humanité.

 

© Odawara Art Fondation

 

Sambasô, danse divine, conception et scénographie Hiroshi Sugimoto

Avec Mansaku Nomura, Mansai Nomura, Yûki Nomura, Hiroharu Kukata, Kazunori Takano, Haruo Tsukizaki, Shûichi Nakamura, Ren Naito, Gô Iida, Manabu Takeichi, Ichirô Kichisaka, Youtarô Uzawa, Kazuto Shimizu, Hirodata Kamei

 

Du 19 au 25 septembre 2018 à 20h

Le 22 septembre à 15h et 20h, relâche le 23 septembre

 

Espace Cardin

1, avenue Gabriel

75008 Paris

Réservation 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

Festival d’Automne

Réservation 01 53 45 17 17

www.festival-automne.com

 

 

 

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