Critiques // Saint-Félix, mise en scène d’Élise Chatauret, au Centquatre-Paris

Saint-Félix, mise en scène d’Élise Chatauret, au Centquatre-Paris

Mar 20, 2019 | Commentaires fermés sur Saint-Félix, mise en scène d’Élise Chatauret, au Centquatre-Paris

 

© Hélène Harder

 

ƒƒƒ article de Toulouse

Il y a déjà deux ans, Elise Chatauret partait sur les routes de campagne, un micro en poche, récolter les témoignages des quelques habitants de Saint-Félix. Sans jamais cartographier son enquête, nous comprenons bien vite qu’il s’agit d’un petit hameau, et nous décelons la volonté de cette jeune et brillante metteur en scène de décrire factuellement le paysage rural français – un sujet, par ailleurs, que nous ne voyons que trop peu sur les scènes de théâtre et qu’il fait du bien de convoquer de la sorte au plateau avec autant de finesse et d’intelligence.

Nous sommes donc en plein dans l’esthétique du théâtre documentaire – proche à bien des égards du type « striptease », du fait d’un certain humour et d’une part de bizarrerie faite de banalité – qui, tout en déroulant son enquête, glisse peu à peu dans une dramaturgie étonnante, celle-ci s’efforçant de désarçonner le registre habituel du documentaire pour construire le spectacle selon une architecture bien plus baroque et anguleuse. Tout en jouant des codes du documentaire, cette joyeuse équipe crée une nouvelle forme de spectacle. Les morceaux et fragments de cette histoire dialoguent entre eux selon plusieurs exercices de style, et complètent un à un cette enquête faite de trous et de zones d’ombres. Le spectacle bascule enfin, et ajoute à cette investigation tout aussi artistique que journalistique une autre enquête, qui donne au spectacle une saveur plus proche du thriller ou du roman policier. En effet, c’est au travers du suicide d’une jeune fille désillusionnée et partie vivre à la campagne, que nous allons essayer de lire et de décrypter la vie à Saint-Félix. Au delà de ce fait divers, nous tenterons d’en analyser un phénomène générationnel inquiétant, qui place l’homme dans une crise identitaire forte, à la recherche de sens et de repères.

Ce spectacle balaye donc une somme très riche de sujets, tous aussi actuels et alarmants, avec l’humilité et la délicatesse de partir de l’étude de cas précis et avec l’unique ambition de toucher à ce qu’il y a de plus sincère et de plus vrai, sans vouloir prétendre inventer la vérité. Quatre acteurs, tous formidables, prennent en charge cette histoire dans une scénographie ingénieuse et mouvante, qui ne cesse de se transformer et de faire respirer le spectacle. Le registre de jeu et la direction qu’ils prennent est tout à fait étonnante, et se situe sur une ligne ténue entre, d’une part, une extrême distance avec les rôles et les personnages qu’ils habitent et, d’autre part, une profonde incarnation. Sans savoir si c’est une volonté première, c’est du moins le sentiment qu’il s’en dégage et qui place le jeu dans une médiation et une écoute assez troublante.

Élise Chatauret allie un propos à une esthétique forte, et c’est une artiste qu’il nous faut suivre.

 

© Hélène Harder

 

Saint-Félix, écriture et mise en scène : Elise Chatauret

Dramaturgie et collaboration artistique :Thomas Pondevie

Création sonore : Lucas Lelièvre

Scénographie et costumes : Charles Chauvet

Marionnettes : Lou Simon

Lumières : Marie-Hélène Pinon

Avec : Solenne Keravis, Justine Bachelet, Charles Zévaco et Emmanuel Matte

 

Du 12 au 23 mars à 20h30

 

Le Cenquatre-Paris

5 rue Curial

75019 Paris

 

Réservations au 01 53 35 50 00

www.104.fr

 

Métro Riquet (ligne 7), Stalingrad (lignes 2, 5 et 7), Marx Dormoy (ligne 12)

Gare Rosa Parks (RER E, T3b)

Bus 54 et 60

 

 

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