Critique d’Evariste Lago –

Une histoire de femmes

Tout le monde connaît plus ou moins bien l’histoire des trois mousquetaires, roman de cape et d’épée, d’environ mille pages, d’Alexandre Dumas publié en feuilleton dans le journal Le siècle. Il retrace l’histoire de quatre jeunes hommes combatifs et courageux, criant à tout va leur fameuse devise « Un pour tous et … chacune pour soi ! ». Les femmes ont pris le pouvoir. Elles ont détrôné et remplacé les hommes. Guillotinés ! Que la compétition et les intrigues commencent.

© Sonia Bisch

La mercière Constance, la reine Anne d’Autriche (« Reine de quoi ? Reine de France, née en Espagne, Olé ! »), Milady, Planchet(te) et Rochefort racontent, chacune leur tour, leur histoire des mousquetaires. Quatre absents, dont d’Artagnan le plus connu. Ce gascon désargenté vient chercher fortune à Paris et se lie d’amitié avec Athos, Portos et Aramis, les mousquetaires de Louis XIII. Constance, la suivante et mercière de la reine, confie à son jeune amoureux et ses trois alcooliques, pardon acolytes, la mission de récupérer les ferrets qu’Anne d’Autriche a donné en gage d’amour à son amant le duc de Buckingham qui s’en est retourné en Angleterre. Milady et Rochefort, mandaté(e)s, quant à elles, par le Premier ministre Richelieu, l’ennemi de la reine, vont se voir donner la même mission. Une histoire d’homme mais quatre visions de femme : le romantisme à la Constance, la tragédie « j’ai dit » à la Anne d’Autriche, le polar à la Milady et le manu militari à la Rochefort. Quatre univers pour dépoussiérer une vieille histoire. A vous de décider celle qui vous ressemble. Pas d’homme sur scène : Comment faire ?

D’Artagnan indispensable ?

© Sonia Bisch

L’histoire des trois mousquetaires est donc à redécouvrir au travers de l’adaptation libre du roman et de la mise en scène de Laurie Jesson. Cette comédienne-metteur en scène interprète également, et avec brio, le rôle de la jeune mercière. Les jeux de mots fusent, les livres volent, les entrées et sorties s’enchaînent et les bons mots se bousculent du début à la fin tel une pièce de Feydeau. L’adaptation est libre donc enlevée, fine et très originale par ses absences masculines. Les quatre autres comédiennes, Maryline Ajax en Rochefort, Magalie Loison en reine de France, Caroline Misbach en Planchet et Elia Zaharia en Rochefort, suent corps et âmes et s’en donnent à cœur joie. Leur bonne humeur est communicative. Toutes les cinq elles forment la troupe Lady M, constituée au sortir des Cours Florent en 2007. Le décor consiste en une malle en bois et un trône qui change de couleur au gré des thèmes. Ce choix de décors minimalistes et la salle très intimiste permet de se focaliser sur l’histoire et les détails du phrasé qui fourmillent et permet aussi aux spectateurs de participer activement à la pièce. Si la timidité vous ronge ne vous placer pas dans les premiers rangs mais préférez plutôt le fond et ne soyez pas en crainte, l’énergie des artistes et leur bonne entente est palpable du premier au dernier rang. La mise en scène et l’écriture ne mettent pas une des comédiennes en avant mais permettent, au contraire, à chacune de pouvoir exprimer son talent. Elles deviennent toutes les héroïnes au fur et à mesure de l’avancement de la pièce et du changement de répertoire. L’humour est le seul registre commun à tous ces thèmes et c’est réussi. Les mousquetaires n’apparaissent jamais, même si leur présence est quelquefois palpable, et vous sortirez après une heure quinze en vous demandant si d’Artagnan et ses comparses étaient bien utiles dans le roman de Dumas.

Sacrées Mousquetaires
D’après : Alexandre Dumas, « Les Trois Mousquetaires »
Adaptation et mise en scène : Laurie Jesson
Avec : Maryline Ajax, Laurie Jesson, Magalie Loison, Caroline Misbach et Elie Zaharia

Du 23 avril au 25 juillet 2010

Espace La Comedia
6 impasse Laumier, 75 011 Paris – Réservations 01 43 67 20 47
www.la-comedia.com

www.sacreesmousquetaires.fr

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