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Royan – La professeure de français, de Marie NDiaye, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, au Théâtre de la Ville, Espace Cardin

Fév 06, 2022 | Commentaires fermés sur Royan – La professeure de français, de Marie NDiaye, mise en scène de Frédéric Bélier-Garcia, au Théâtre de la Ville, Espace Cardin

 

© Jean-Louis Fernandez

 

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

En fin de fournée, une femme, professeure de français, rentre chez elle, à Royan, et ne quitte pas l’entrée de son immeuble. Comme enfermée, séquestrée. Elle ne veut pas allez plus loin, elle ne veut pas rejoindre son appartement. Une de ses élèves s’est suicidée, et ses parents l’attendent sans doute devant chez elle, ils la sentent responsable, ils l’imaginent au moins ne pas avoir su soutenir leur fille. Sont-ils là vraiment ? Peut-être, peut-être pas. En tout cas ce terrible événement ne laisse pas cette professeure indifférente, c’est le moins qu’on puisse dire.

Et pour se défendre, se justifier, ne pas montrer sa peur, ou sa douleur, cette femme, exceptionnelle Nicole Garcia, va raconter sa vie, comment elle est arrivée d’Oran, puis son adolescence à elle à Marseille, avec sa mère, comment elle s’est battue pour qu’on l’imagine forte, comment devenue professeure de français à Royan, elle se méfie, se bat contre ses élèves pour être à la fois invisible et intouchable. Elle va et vient dans ce hall d’entrée, façon immeuble fin année 1980, boîtes aux lettres très comme il faut et petite allée de galets blancs et propres. Elle a peur, elle est menacée, puis parle de cette élève qui n’était pas comme les autres, qui n’a pas tenté de leur ressembler, qui s’est dirigée vers elle pour un appel au secours. Ces deux femmes ne se ressemblent-elles pas ? N’ont-elles pas souffert des mêmes menaces idiotes et efficaces des « copains de classes » ? Elles n’ont pas trouvé la même façon de se défendre, l’une est devenue froide et menaçante, l’autre est restée elle-même, et à 15 ans saute par la fenêtre.

Royan, la professeure de français est une pièce de Marie Ndiaye, mise en scène par Frédéric Bélier-Garcia. Un seule en scène, même si ici ou là une silhouette apparaît, comme une menace pour cette femme. Sans doute minuscules moments « en trop », on s’imagine l’entrée d’un nouveau personnage, mais non. Une gomme serait la bienvenue. Sinon… on est comme subjugué par ce texte. Cette femme juste là, devant nous, essaie de se défendre, non, elle ne souffre pas de la même torture qui détruit cette gamine, cette gamine qui elle ne se dissimulait pas. Qui, elle, cherchait de l’aide. Le jeu de Nicole Garcia est un mélange de simplicité et de terreur. Sa voix glisse ici ou là, et illustre parfaitement ce que ressent cette femme. Comme si elle trébuchait. La douleur, totalement cachée au début, explose ensuite. Mais presque sans bruit, sans mouvement, un aveu d’égalité, un aveu tout court, d’irresponsabilité, d’où cette image vraie ou fausse des parents devant sa porte. On nous montre les combats entre ados, les défenses tentées qui fonctionnent ou non. Et le résultat est extraordinaire. Comme si le silence s’installait en nous aussi, incapables d’échanger vraiment après une telle fureur exposée, là, dans un hall d’entrée, presque sans bruit.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

Royan – La professeure de français, de Marie NDiaye

Mise en scène : Frédéric Bélier-Garcia 

Avec Nicole Garcia

Décor : Jacques Gabel

Lumières : Dominique Bruguière

Son : Sébastien Trouvé

Collaboration artistique : Sandra Choquet, Caroline Gonce

Collaboration au jeu : Vincent Deslandres

Costumes : Camille Janbon

Maquillage : Christophe Danchaud

Coiffure : Julien Parizet

 

Du 17 janvier au 3 février 2022

Durée 1 h 10

 

 

Théâtre de la Ville, Espace Cardin

1, avenue Gabriel

75008 Paris

www.theatredelaville-paris.com

 

 

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