ƒƒƒ article de Denis Sanglard
© Dimitri Menchikoff
De la Beat Génération on cite généralement et comme un mantra Kerouac, William S. Burroughs, Allen Ginsberg. Mais qui peut citer un seul nom de femme ? En France les noms et les oeuvres de Diane DiPrima, Anne Waldman, Hettie Jones, Elise Cowen ou Frann Landsman sont quasi inconnues, non traduites. Elles furent et sont encore des poétesses et militantes actives de la contre-culture américaine. Alors dans cette cave de la Générale, comme un goût de clandestinité et de confidentialité, Mirabelle Wassef au chant et Séverine Morfin à l’alto, redonnent la parole à ces femmes puissantes. Une création un peu foutraque, border-line, mais qu’importe, conçue comme dans l’urgence d’une performance improvisée où poèmes et textes slamés, chantés, récités, chahutent pour le meilleur. L’important est bien dans cette découverte d’une écriture singulière où « la littérature beat chante contre le cynisme, l’apathie, l’injustice, la tromperie, les compromis, le racisme, la guerre, les diables et les cons de toutes sortes » ( Anne Waldman). C’est une création sans chichi, sans manière, brute, sincère, nécéssaire. A celles qui, ici, n’ont pas de voix, Mirabelle Wassef offre la sienne dans un happening joyeux et généreux. On mesure alors l’importance de ses femmes, la puissance de leur écriture, la résolution et la fermeté de leur engagement. On ne peut que remercier Mirabelle Wassef, frondeuse et engagée à son tour, d’avoir plongé dans ces oeuvres brûlantes, de les avoir sorti d’un injuste purgatoire, de les avoir traduite. De les chanter avec autant de conviction insolente et de talent. Séverine Morfin fait de son alto un alter-ego proteïforme, rehaussant ces voix d’une atmosphère entre chien et loup, parfois étrange, parfois douloureuse, parfois éclatante. Au diapason d’une écriture qui se fait révolte, tourment, cri, espoir, joie. Alors au sortir de là, de cette cave devenue le sombre et lumineux écrin de femmes en révoltes, on se répète à notre tour comme Diane DiPrima, « Rise up my brother, ne courbez pas la tête plus longtemps ».
Rise Up !
De Mirabelle Wassef et Séverine Morfin. Cie Ruby Théâtre.
Sur des textes inédits de : Anne Waldman, Diane Di Prima, Hettie Jones, Elise Cowen, Fran Landesman. Traduction de Jacqueline Starer
Jeu et dramaturgie Mirabelle Wassef
Composition, improvisation, sons Séverine Morfin
Lumières Christine Mame
Vidéo Poll Pebe Pueyrredòn,
Son Romain Le Brasdu 9 au 11 mars à 18h
La Générale
Festival L’Eveil du printemps
14 avenue Parmentier
75011 Paris
www.lagenerale.fr
comment closed