ƒƒƒ article de Victoria Fourel

Faites-vous raconter l’histoire de cette transformation. De cette épidémie. De la propagation d’un mal animalier qui surgit en ville, et emmène un à un les habitants. Faites-vous raconter Rhinocéros. Seul en scène, Stéphane Daurat dit au passé simple ce que sa ville a connu, mimant, jouant tous les personnages.

C’est sous la forme contée de la nouvelle, donc, qu’est exploré  Rhinocéros, devenant soudain mémoire, journal intime. Si cela limite parfois l’humour virtuose de Ionesco, cela crée une proximité qui captive, autant dans l’évolution des événements, que dans la perception qu’a le personnage principal de ce qui se passe autour de lui. Tout est simple, tout est posé et précis, ce qui rend perceptible chaque trait de caractère de chaque personnage que l’acteur incarne successivement, sautant des uns aux autres avec humour et maîtrise. C’est fluide et drôle, et sans pour autant rester dans les clous, on sent une énergie contrôlée, croissante, un débit mesuré, qui donne à voir le rythme cardiaque de la ville qui change, sa peau qui se durcit.

Ce qui étonne, en fait, c’est qu’il y a des propositions partout, autant dans l’interprétation de ce texte sur la liberté, sur le semblable, et sur l’embrigadement des consciences, que sur le visuel, sans que rien ne soit appuyé.

Sur le plateau, un décor presque carcéral, quelques accessoires camouflés prêts à être utlisés, un costume léger dans les tons de gris. Tout rappelle que ce narrateur est seul, très seul, dans ce monde qui change, que le gris devient la couleur normale de la peau, que tout semble signe d’enfermement. Nue et intelligente, cette mise en scène réussit à actualiser sans surappuyer, et surtout à mettre en valeur des perles d’écriture de Ionesco, sur le désir de résistance, et d’amour face au chaos, puis le désir de se fondre dans la masse.

C’est techniquement très bon, narrativement passionnant, et cette histoire absurde et tragique ne nous quitte pas. C’est un spectacle, un manifeste, une nouvelle de science-fiction, un conte, et en plus, il fait tout cela très bien.

Rhinocéros
Texte Eugène Ionesco
Mise en scène Catherine Hauseux
Avec Stéphane Daurat

Les jeudis, du 18 février au 24 mars à 19h45
Les lundis, du 4 avril au 30 mai à 19h45

Essaïon Théâtre
6, rue Pierre-au-Lard 75004 Paris
Métro Rambuteau, Hôtel de Ville, Châtelet
Réservation 01 42 78 46 42
www.essaion-theatre.com

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