À l'affiche, Critiques // Retrofutur, le présent a de l’allure, mise en scène de Corinne et Gilles Benizio, WIP Villette

Retrofutur, le présent a de l’allure, mise en scène de Corinne et Gilles Benizio, WIP Villette

Sep 29, 2016 | Commentaires fermés sur Retrofutur, le présent a de l’allure, mise en scène de Corinne et Gilles Benizio, WIP Villette

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

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© Christophe Raynaud de lage

Ils sont sept, unis comme les sept doigts d’une main pour un cabaret à la bonne franquette, nappes en papier mal ajustées, verres en plastique, sardines en boîtes et chaises en bois pour notre grand désespoir coccygien. Et parmi ces sept-là, Shirley et Dino, Corinne et Gilles Benizio, qui se la jouent modeste et collectif, remisant leurs personnages de cousins au vestiaire, réunissant autour d’eux une vraie bande d’allumés dont deux échappés des Chiche Capon, et pas des moindres. Rien ne manque à ce cabaret improbable et déjanté, genre kermesse de fin d’année complétement barrée, entre improvisations, approximation et ratage en grande et magnifique largeur, pour notre plus grand bonheur. Les travestis sont mal rasés, les meneuses de revue perdent leurs rares plumes, les boys s’emmêlent les pinceaux, tricotant des chorégraphies des plus sommaires, des chorégraphies qui sont ce qu’elles peuvent, les magiciens sont dépassés, les contorsionnistes tordus au point d’avoir besoin d’un mode d’emploi pour se décontorsionner, les trois mousquetaires sont un peu beaucoup paumés, d’Artagnan a son œdipe qui le travaille, et Louis XIII, ado très mal dégrossi, est « trop saoulé » qui menace sa chère épouse d’être bouillie en place publique « départ à froid ». Où l’on s’aperçoit qu’être hard-rocker est avant tout une question d’attitude muette. Nana Mouskouri, enfin un ersatz, passe par là et ma foi on n’imaginait certes pas sa version de « Love me tender » chantée ainsi. Mention spéciale aussi à la chanson ethnique venue du froid. Et au yodle, un must, ce dernier étant une façon imparable de faire ses courses… Et si vous souhaitez voir une Dame Blanche, dans un cabaret quelle drôle d’idée, celle-ci vous indiquera, façon indicateur des chemins de fer, ses passages prévus au long des autoroutes.

Les numéros se suivent, tous aussi catastrophiques, complétement loufoques, invraisemblables et zarbis. Les perruques sont de nylon, les costumes élimés, ringards et parfois même déchirés. Ce n’est certes pas le plus grand cabaret du monde mais certainement le plus saugrenu. Et le plus généreux. Ce cabaret-là revisite le genre pour mieux le faire exploser. Jusqu’à le téléporter dans le futur, enfin un futur approximatif comme tout le reste. Ce sont de vrais et grands clowns talentueux, des excentriques doués qui se lâchent sur les deux plateaux – nous sommes cernés – de ce cabaret rétro-futuriste. Parce que justement c’est bien cette impression que nous avons là, celle d’être tombés, coincés dans une faille spatio-temporelle, façon cosmos 99 bricolé, pour la génération qui a connu, entre Piste aux Etoiles par des nuls et le nouveau cabaret par des amateurs.

Le résultat est désopilant, l’autodérision inventive et joyeuse. On rit sans retenue. C’est vrai que ça ne manque pas d’allure et de panache dans ce n’importe quoi élevé au rang de chef d’œuvre de l’absurde et du non-sens, entre Branquignol et Bario, entre autres, dont ils sont les heureux héritiers. On rit beaucoup, beaucoup à s’en décrocher les maxillaires, mais il y a un véritable hommage à tous ces artistes de cabarets, « les petits les obscurs et les sans grades », ces excentriques inconnus, ringards talentueux ou non, mais sincères toujours et qui même devant un projecteur défectueux et un maigre public assurent le show. Parce que devant le public on ne triche pas. Ou bien l’on meurt. Et c’est bien cette sincérité-là, cette exigence, qui fait tout le prix de ce cabaret burlesque irrésistible de drôlerie.

Retro-Futur
Mise en scène Corinne et Gilles Benizio
Avec Arnaud Aymar, Frédéric Blin, Corinne Benizio, Gilles Benizio, Diane Bonnot, Grogory Lackovic, Ricordo Lo Giudice

Du 9 septembre au 23 octobre 2016
Du mercredi au samedi à 20h, le dimanche à 16h

WIP Villette
30, avenue Corentin Cariou – 75019 Paris
Réservation 01 40 03 75 75
www.lavillette.com

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