Le dernier jour où j’étais petite © Pascal Victor
ƒƒƒ article de Corinne François-Denève
Les « Itinéraires singuliers », « projet créatif, collectif et solidaire », en partenariat avec L’Insatiable, fêtaient cette année leur 11e édition. Entre le 19 mars et le 14 avril, des expositions, des films, des ateliers, des spectacles et des rencontres, disséminés dans le Grand Dijon, et essaimant jusqu’à Besançon ou Beaune, illustraient le thème de « l’envol. » Les projets scéniques n’étaient pas oubliés. Le Théâtre des Feuillants, via l’ABC, accueillait ainsi Logiqueimperturbabledufou pour une soirée, tandis que le TDB, pendant quatre soirs, accueillait deux spectacles, dans un dispositif original : 19h salle Fornier pour le premier spectacle, et 21h au Parvis, dans la Grande Salle, pour le second, permettant ainsi aux spectateurs et spectatrices de combiner les deux.
La soirée commençait avec Le Dernier jour où j’étais petite, un seule en scène de Mounia Raoui. En scène, entre deux souffles, l’autrice et comédienne nous explique avoir été prédestinée à faire ce qu’elle fait là, son nom voulant dire « désir de récit. » Désir de récit et plaisir de jouer, en effet, que ce spectacle dense et intense, itinéraire singulier de vie, qui fait penser à Aziz Chouaki, tant la langue inventive est riche d’intertextes « savants » (Rimbaud, Kipling…), joliment déplacés et remis en bouche, et d’inventions lexicales subtilement poétiques. La mise en scène de Jean-Yves Ruf et de la comédienne sait rester minimaliste pour s’effacer devant la puissance de la conteuse, qui se lève des rangs, s’assoit sur une chaise, pour mieux se redresser, lançant son texte avec un sens inné du rythme (saccadé, rappé, slammé, ou se mettant à couler avec fluidité). Ce Dernier jour où j’étais petite est de fait un long poème dramatique sur la solitude, le chômage, l’ennui, la déprime, l’amour du théâtre, la différence, où affleurent de francs moments d’un comique délicat.
Ensuite, place au grand plateau, qui semble ne pas être assez grand pour contenir la fougue de quatre jeunes comédiennes qui surgissent, en escouade, des coulisses, pour bien montrer de quel bois elles se chauffent. Désobéir (le mot est heureusement à la mode, il sert aussi de titre à une pièce d’Anne Monfort et Mathieu Riboulet) tourne depuis quelque temps, avec un succès non démenti et extrêmement mérité. On pourrait penser que ce Désobéir, paradoxalement, coche toutes les cases du spectacle à faire par les temps qui courent. Il repose en effet sur des témoignages de jeunes filles racisées, témoignages qui sont pris en charge par une troupe de comédiennes pleines de « diversité », qui parlent, chantent et dansent – on a l’impression d’avoir vu cela chez Madani. Point d’effet de doublon toutefois entre ce Désobéir et ces F(l)ammes qui continuent aussi, et c’est heureux, de brûler les planches. Surgis sans doute de la même urgence, les deux spectacles donnent la parole à ces invisibles/inaudibles pourtant si belles à voir et à entendre. Désobéir prend d’ailleurs le parti-pris plus affiché du théâtre : là où F(l)ammes devait aussi sa fraîcheur au choix de ses comédiennes, justement encore très fraîches dans leur art et leur envie, Désobéir choisit de faire jouer non pas des comédiennes moins « fraîches » et plus blasées, mais de les faire jouer selon des codes théâtraux assumés. Le travail sur le corps est ainsi particulièrement remarquable, et la scénographie particulièrement efficace. Le propos, taillé dans la matière brute des témoignages, n’en est qu’illustré avec plus de profondeur et de résonance. On ne peut que saluer la performance des quatre comédiennes et danseuses, qui portent à bout de bras cette ode à la désobéissance et au théâtre. De Mounia Raoui à Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Sephora Pondi, l’envol est grand.
Les itinéraires singuliers
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Le dernier jour où j’étais petite
Texte et jeu Mounia Raoui
Mise en scène Jean-Yves Ruf et Mounia Raoui
Travail corporel Kaori Ito et Azusa Takeuchi
Lumière Ivan Mathis
Musique Areski Belkacem
Durée 1h
Vu au Théâtre Dijon Bourgogne le 10 avril
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Désobéir, de Julie Bérès
Conception et mise en scène Julie Berès
Dramaturgie Kevin Keiss
Collecte des témoignages et travail sur le texte Julie Berès et Kevin Keiss,
Avec la participation d’Alice Zeniter
Chorégraphie Jessica Noita
Scénographie: Marc Lainé et Stephan Zimmerli
Costumes Elisabeth Cerqueira
Création sonore David Segalen
Création lumière Laïs Foulc
Création vidéo Christian Archambeau
Avec Lou-Adriana Bouziouane, Charmine Fariborzi, Hatice Ozer, Sephora Pondi
Durée 1h20
Vu au Théâtre Dijon Bourgogne le 10 avril
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Tournée :
16 avril 2019
Théâtre de l’Agora, Scène nationale d’Evry et de l’Essonne
9 au 19 mai 2019
Théâtre Paris-Villette
28 mai 2019
Le Liberté, Scène Nationale de Toulon
3 juin 2019
Théâtre de la Ville de Luxembourg
6 & 7 juin 2019
Théâtre National de Strasbourg
Juillet 2019
Manufacture d’Avignon
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