Critique de Camille Hazard –
René Loyon, metteur en scène de ce spectacle, a choisi d’adapter à la scène les chants XIII à XXIII de cette immense Epopée antique.
Parti prendre part à la guerre de Troie, « Ulysse aux mille ruses » provoque le courroux de Poséidon alors qu’il s’apprête à prendre le chemin du retour. Pour sa faute, Il endure pendant dix ans d’errance sur les flots et sur des terres inconnues, des défis, des combats et côtoie la mort avant que les dieux ne se décident enfin à le laisser regagner sa terre natale, l’île d’Ithaque.
Durant toutes ces années, son épouse Pénélope et son fils Télémaque, éplorés par son absence, joignent ruses et calcules pour empêcher les nombreux prétendants installés au palais, de dilapider tous les biens.
© Lot
Retour à Ithaque commence lorsqu’Ulysse, déguisé en mendiant s’apprêtent à se venger des prétendants au trône et au mariage, et à retrouver sa famille et son rang…
« Après l’Iliade de bruit et de fureur, de colère et de larmes, l’Odyssée est l’histoire d’un homme »
Laurence Campet
Le spectacle redonne vie à la tradition ancestrale des aèdes : l’art de la parole.
Trois comédiens prennent tour à tour la parole pour incarner, les trois Héros bien sûr, mais également une foule de personnages : la déesse Athéna, les prétendants, la nourrice Euryclée, le berger Eumée…
Se passant la parole par des regards, par des gestes, ils imposent silence et écoute dès leurs premiers mots. Il y a de ce trio quelque chose de sensuel et de voluptueux qui s’échappe. En osmose avec la forme première de l’Odyssée: une aventure personnelle et éternelle, les protagonistes demeurent dans une profonde introspection tout au long du récit qui nous parvient avec clarté.
De simples tabourets accompagnent les comédiens dans leur narration, tantôt comme simple siège, tantôt comme décors.
Une large toile grise, tendue dans le fond de la scène nous transporte sous la voile du bateau d’Ulysse, mais aussi au pied de la muraille du palais, face à une montagne ténébreuse…
Toute notre concentration et notre imagination sont en marche.
© Lot
La comédienne Fatima Aïbout que l’on a pu voir dans l’Orestie d’Eschyle, sous la direction de Silviu Purcarete, embrasse toute entière le rôle de Pénélope, lui offrant une dimension d’icône maternelle, guerrière, sensuelle, rusée…Osant saupoudrer à quelques reprises les mots d’un comique mesuré et réfléchi, le public boit ses paroles limpides.
Nous regrettons toutefois l’absence d’éléments qui viendraient par moment secouer ce récit tranquille.
Les trois conteurs maniant parfaitement le verbe, les évocations délicates du monde antique, l’ambiance sonore faible et retenue au mezzo-piano, la pénombre dans laquelle baignent les spectateurs, peuvent engourdir la plus acharnée des personnes à garder toute son attention.
Le metteur en scène aurait peut-être pu casser cet aspect linéaire qui au fil du récit sonne à notre oreille comme un doux refrain; nous voilà recueillis et bercés dans les bras de Pénélope, les mots d’une histoire merveilleuse nous parviennent, la lumière baisse, les voix d’entremêlent, plus aucun mouvement sur scène ne vient troubler notre repos…
Retour à Ithaque
D’après : Homère, « l’Odyssée »
Traduction : Victor Bérard
Adaptation : René Loyon et Laurence Campet
Mise en scène : René Loyon
Avec: Fatima Aïbout, Kevin Duplenne, Julien Muller
Dramaturgie : Laurence Campet
Scénographie : Nicolas Sire
Lumières : Laurent Castaingt
Création sonore : Françoise Marchesseau
Costumes : Nathalie Martella
Direction technique : François SinapiDu 31 août au 5 novembre 2011
Du mardi au samedi à 18h30Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame-Des-Champs, Paris 6e – Réservations 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr