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Requin Velours, écrit et mis en scène par Gaëlle Axelbrun, Théâtre du Point du Jour, Lyon

Mar 29, 2025 | Commentaires fermés sur Requin Velours, écrit et mis en scène par Gaëlle Axelbrun, Théâtre du Point du Jour, Lyon

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

ƒ article de Paul Vermersch

On entre dans Requin Velours par un flux d’images particulièrement net et saisissant : une petite fille sur la plage, qui prend plaisir à entrer dans l’eau. La langue vient convoquer les sensations avec une justesse très plaisante, portée par une ambiance sonore qui suggère le rêve, la vision, on est pleinement porté par le texte. Et puis le spectacle s’ouvre pour de vrai, un ring de boxe au centre du plateau et à l’intérieur la petite fille devenue grande. Trois interprètes donc : Roxanne, au centre du ring, et deux acolytes, dont la fonction varie tout au long de la pièce (tantôt voix narrative, tantôt personnages).

C’est dans ce dispositif que se raconte l’histoire de Roxanne, victime un été d’un viol, qui sera le point de départ de la fiction. Elle et ses amies, surnommées « Les loubardes » rejouent son parcours, un parcours intime mais aussi judiciaire, et politique. Dans une alternance de théâtre-récit adressé directement au public (dont une partie est assise sur scène de part et d’autre du ring) et de scènes courtes de reconstitution, la fable avance en retraçant l’intériorité de Roxanne, en mettant en lumière sa détresse, sa rage, ses paradoxes, sa fatigue, sa honte, son découragement, ses attentes.

Assez tôt dans la pièce, on a la sensation que le spectacle livre sa clef de lecture : le parcours de Roxanne serait une manière de chercher à « être réparée » et à faire avec « les bouts de soi qu’on a perdus ». Un projet surprenant en ce qu’il émane d’idées assez conceptuelles et un peu naïves : qu’est-ce que c’est qu’être concrètement réparé ? De quoi parle-t-on quand on parle de bouts de soi perdus ? Qu’est-ce que la langue vient cacher quand elle s’origine dans des idées si abstraites ?

Et c’est cette imprécision dans la langue qui désactive un peu le projet de Requin Velours car on ne rencontre que très rarement la même qualité d’image et d’exactitude que dans cette ouverture très immersive. Au fil de la pièce on est arrêté par cette écriture ni vraiment poétique ni vraiment coup de poing. Alors que la parole est au centre même du spectacle – puisqu’il n’y a pas de situation ou d’action dramatique à proprement parler – elle fait plutôt écran à l’intériorité de Roxanne et son parcours nous apparaît un peu attendu. On la suit dans son entrée dans le travail du sexe, dans ses procédures judiciaires mais cette histoire finit par être coupée de son aspect sensible. Si les émotions sont dites, cette langue un peu générique les met à distance.

Finalement, c’est au moment du rejeu d’un procès imaginaire entre Roxanne et son violeur « V » (incarné par une des Loubardes) que l’on se raconte le mieux le projet : on voit clairement, au présent, trois personnes qui essaient activement de faire avec cette histoire et c’est ce qui vient générer le théâtre, la vie. C’est à ce moment-là qu’on entend aussi le mieux l’humour, que par le jeu, par la situation, les personnages semblent se dévoiler plus clairement. On les voit vraiment abimés, vraiment en colère, vraiment en lutte. Il y a comme ça plusieurs poches dans le spectacle dans lesquelles la langue devient davantage au service du plateau et qu’elle se défait de sa préoccupation d’absolument tout dire et de le dire en impactant. En somme, on voit les effets qui veulent faire de cette histoire une histoire marquante et c’est à cet endroit que l’on résiste. Le dépouillement de la parole permet un recul dont on a besoin pour recevoir une histoire qui sinon s’exprime dans un flux très lisse, et qui finit par ennuyer malgré l’intensité de ce qu’elle nomme.

 

© Christophe Raynaud de Lage

 

 

Requin Velours, écrit et mis en scène par Gaëlle Axelbrun

Avec : Mécistée Rhea, Cécile Mourier et Amandine Grousson

Assistanat mise en scène : Florence Weber

Création lumières : Ondine Trager

Création sonore : Maïlys Trucat

Costumes, assistanat scénographie : Camille Nozay

Chorégraphie : Dionaea Thérèse, Gaëlle Axelbrun

Design graphique : Anne-Sophie Rami

 

Du 25 au 27 mars 2025

Durée : 1h30

  

Théâtre du Point du jour

7 rue des Aqueducs

69005 Lyon

Réservation : 04 78 25 27 59

Adresse du site : https://www.pointdujourtheatre.fr/

 

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