Critiques // « Re-VUe », de Guesch Patti, Théâtre de Vanves, Festival Artdanthé

« Re-VUe », de Guesch Patti, Théâtre de Vanves, Festival Artdanthé

Jan 31, 2015 | Commentaires fermés sur « Re-VUe », de Guesch Patti, Théâtre de Vanves, Festival Artdanthé

ƒƒ article de Florent Detroy

Re-Vue-1© DR

« J’aimerais parler une langue qui me soit propre » confie Guesch Patti. La danseuse de Re-VUe a conçu une pièce en puisant dans l’ouvrage « Autoportrait » d’Édouard Levé. Écrit alors que son auteur était en proie à une crise de panique, le texte se compose d’un enchevêtrement d’aphorismes, de confessions et de remarques, pour la plupart particulièrement spirituelles et drôles. Pendant une heure, la chorégraphe et 3 autres comédiens vont ainsi déclamer, parfois s’échanger, ces phrases en conservant la composition anarchique de l’œuvre. Toutefois la langue « propre » de Guesch Patti n’est pas l’écriture, mais la danse. La chorégraphe organise alors 4 tableaux dansés au cours desquels cette ancienne élève de Roland Petit démontre toute sa technique et sa grâce.

Il se dégage très tôt de cette courte pièce une légère mélancolie. D’abord parce que l’aspect testamentaire du texte, l’auteur, prisonnier de sentiments dépressifs et de crises d’angoisse, l’a écrit en pensant sa fin proche. Ainsi les souvenirs de jeunesse (« je n’ai jamais su quoi répondre lorsque l’on me demandait enfant « c’est vrai ce mensonge » ? »), installent une douce tristesse, comme lorsque la vieillesse aidant, la mémoire ancienne prend le pas sur la mémoire immédiate. Cette impression crépusculaire est renforcée par la présence dans un coin de la salle d’une table où sont éparpillées des centaines de feuilles manuscrites, donnant l’impression que l’auteur est parti laissant son ouvrage inachevé.

Pourtant la mise en scène imaginée par Guesch Patti permet au spectateur de dépasser le simple hommage au texte de Levé.Tantôt aguicheuse avec Jaime Flor, tantôt rageuse avec Vincent Clavaguera, Guesch Patti réussit à restituer en quelques mouvements tous les sentiments couchés sur le papier dans la précipitation par Édouard Levé. La danse instinctive et sensible imaginée par la chorégraphe, dans laquelle on retrouve les influences revendiquées de Mats Ek et Pina Bausch, correspond d’ailleurs bien à l’esprit de l’écrivain, où l’humour côtoie le tragique.

L’émotion peine toutefois à percer lors des échanges avec Jaime Flor et Vincent Clavaguera. Danseurs, ils peinent à restituer toute la saveur au texte. Il faut ainsi attendre que le dialogue, toujours à coup de phrases courtes et ciselées, s’installe entre le comédien Olivier Balazuc et Guesch Patti pour que le texte soit réellement incarné. La désinvolture légèrement fate d’Olivier Guesch apporte une vraie humanité au texte, au point que les échanges avec la chorégraphe ressemblent parfois à un règlement de comptes de couple. « Ma mémoire s’embellit » résonne alors différemment, et l’on regrette de ne pas avoir en rentrant chez soi Autoportrait dans sa bibliothèque pour en continuer la lecture.

« Re-VUe », d’après Autoportrait d’Édouard Levé
Conception  Guesch Patti
Dramaturgie Pier Lamandé
Assistanat  chorégraphie Darrell Davis
Lumière  Séverine Rième
Costume  Michel Ronvaux
Réalisation décor Yves Empio
Régie son  Nicolas Losson
Chargée de production Françoise Empio
Avec Guesch Patti,  Olivier Balazuc, Vincent Clavaguera, Jaime Flor

Théâtre de Vanves, Salle Panopée
11 avenue Jézéquel – 92170 Vanves
www.ville-vanves.fr
01.41.33.93.70

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