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Rambuku, texte de Jon Fosse, de et avec Kayije Kagame, Damiaan De Schrijver, Matthias De Koning, au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

Déc 08, 2021 | Commentaires fermés sur Rambuku, texte de Jon Fosse, de et avec Kayije Kagame, Damiaan De Schrijver, Matthias De Koning, au Théâtre de la Bastille / Festival d’Automne à Paris

 

 

© Tim Wouters

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Retour dans le petit laboratoire des STAN et Discordia ou Damiaan De Schrijver et Mathias de Koning interrogent de nouveau, après Dors mon petit enfant et Je suis le vent, l’écriture de Jon Fosse. Ce qui est bien avec ces deux-là, c’est qu’ils n’ont de cesse de repousser toujours plus loin les limites de la théâtralité, de ses conventions, de faire du plateau un vaste chantier au risque assumé de l’échec. Avec au centre de leurs préoccupations le texte, toujours, et sa mise à l’épreuve sur le plateau. Et cette façon unique d’interroger le jeu de l’acteur, de brouiller la frontière entre le personnage et l’interprète parce qu’au fond, comme l’affirme Damiaan De Schrijver, le seul personnage au final c’est le texte. Lui que l’on sert et offre au public avec cette particularité, ce mystère propre à ces deux collectifs, d’abolir toute distance entre la scène et le plateau, de créer un lieu unique pour un dialogue singulier d’eux à nous, nous devenus acteurs et témoins de cette expérimentation, de ce chantier riche de promesses tenues et génialement imprévues. Avec Rambuku, nous sommes encore une fois avec bonheur déroutés, encore une fois joyeusement époustouflés de cette capacité à s’emparer d’une écriture aussi complexe, aussi retorse, répétitive et trouée de silence que celle de Jon Fosse et de lui donner cette clarté, cette limpidité, cette luminosité avec tant d’évidence et de simplicité.

Une femme est là qui patiente et parle obstinément de ce départ pour Rambuku, un ailleurs, un paradis qu’on croit deviner lointain et peut être inexistant. Un homme est là, mutique et borné, qui écoute cette femme et ne lui répond pas. Parfois la femme ordonne qu’il lise les réponses attendues et qu’elle lui écrit. On ne sait rien d’eux, on ne saura rien, juste cette obsession pour Rambuku dont on ne saura rien non plus sinon de « ces oiseaux grands comme des arbres ». Histoire d’amour ou de solitude ? Rêve ou réalité ? Les mots affluent, peu de mots à vrai dire, répétés, entrecoupés de silences. Et dans ces silences-là trébuchent et tombent nos certitudes. L’écriture de Jon Fosse dans son dépouillement extrême, son dénuement volontaire se refuse à toute incarnation, à toute interprétation. Kayije Kagame, Damiaan De Schrijver et Matthias de Kooning se plient à cette injonction et s’effacent, se diluent dans l’écriture et ses lacunes. Pour qui accepte cette proposition fragile, voire hardie, et de les suivre dans cette expérimentation singulière sans barguigner, c’est tout un imaginaire qui s’ouvre à nous. Ils nous donnent en quelque sorte la responsabilité de la représentation, de ce qui est énoncé qui désormais nous appartient autant qu’à eux. A chacun son Rambuku. Etrange jeu d’acteur à vrai dire qui n’en est pas un de la part de ces trois interprètes et heureux complices, toujours au bord du jeu sans y plonger tout à fait, s’exposant sans fard tel qu’en eux-mêmes. Kayije Kagame donnant le tempo, Damiaan De Schrijver renâclant à répondre à ces injonctions et Matthias De Koning en présence, texte en main, pour pallier les incidents possibles de cette « « non-représentation ». Nous sommes toujours à la limite de l’exercice, plus au bord du jeu donc que dans le jeu lui-même.  Pas vraiment une lecture non plus mais tout comme. Disons une mise en situation où chacun semble avancer des propositions sous le regard attentif de l’autre. Bref un étrange et paradoxal entre-deux qui accuse la théâtralité en s’en dépouillant pour mieux en extraire la puissance irréductible et théâtrale du texte du Jon Fosse. Et ça marche du tonnerre, on peut le dire. C’est d’ailleurs brochure en main qu’ils concluent, accusant de fait ce chantier ouvert à tous les possibles que la scénographie dénonçait, vastes bâches peintes, vieux tabourets d’usine et plafonniers pour projecteurs. Ce n’est pas sans une certaine curiosité, sinon impatience, que l’on attend la prochaine création. Ils semblent ne pas en avoir fini avec Jon Fosse. Et nous non plus avec eux.

© Tim Wouters

 

 

Rambuku de Jon Fosse

De et avec Kayije Kagame, Damiaan De Schrijver, Matthias de Koning en alternance avec Bert Haelvoet

Costumes Elisabeth Michiels

Technique Tim Wouters

 

Du 6 au 22 décembre 2021

Du 4 au 15 janvier 2022

à 19 h 30

Relâche les dimanches, le jeudi 9 décembre, les lundis 13 décembre et 10 janvier

 

 

 

Théâtre de la Bastille

76 rue de la Roquette

75011 Paris

Réservation 01 43 57 42 14

www.theatre-bastille.com

 

 

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