© Eleonora Radano
fff article de Denis Sanglard
R.OSA bonheur ! R.OSA, performance décapante de la chorégraphe italienne Sylvia Gribaudi où la performeuse Claudia Marsicano se joue crânement du regard porté sur son corps obèse, un corps en majesté, dont elle fait un formidable outil dramaturgique et chorégraphique, un manifeste bienvenu contre les stéréotypes qui obligent. Et c’est peu de dire qu’elle embarque le public, elle le séduit littéralement par sa faconde, son humour, sa grâce et sa virtuosité qui éclate en 10 exercices imposés qu’elle accomplit avec une légéreté, oui, un défi réussi contre la gravité dont elle se contrefout et qui vous cloue le bec. Des canons féminins contemporains qui s’arrogeraient ce genre d’exercice, inspirés des leçon d’aérobic et de fitness de Jane Fonda où le culte du corps aérodynamique et profilé, l’idéal féminin imposé comme une norme absolue et au final d’une grande violence, elle ne fait qu’une bouchée, prouvant par là qu’un corps King Size, celui là-même sublimé par le peintre Fernando Botero, source d’inspiration ici, peut aussi en remontrer aux adeptes stakhanovistes de la ligne filiforme, « la triste ligne droite » que dénonçait Colette qui en connaissait un rayon question rondeur. Claudia Marsicano qui n’est donc pas une Barbie Girl, elle est bien mieux que ça, assumant pleinement ce qu’elle est, en maillot de bain et sans pudeur, chante et danse, sabote allègrement de son talent monstre et généreux, de sa plasticité incroyable, nos stéréotypes imbéciles ouvrant une réflexion sagace sur la manière dont nous regardons les autres, notre perception de la différence à l’aune de nos jugements, nous obligeant de fait et frontalement à voir autrement et dans sa vérité crue une réalité trop souvent volontairement occultée. Claudia Marsicano et Sylvia Gribaudi tendent un miroir déformant sur ces standards nous conditionnant non sans brutalité pour qui ne rentrerait pas dans le moule, ce corps idéal qu’on nous impose, font tout péter et joyeusement par ce manifeste poétique explosif et corrosif enfonçant le clou sur l’idéal féminin participant du male gaze, qui n’est que construction sociale, une question de domination masculine. Claudia Marsicano, d’une liberté frondeuse, le corps en avant, décorseté et sublimé par cette performance hors-norme et son talent incontestable, ose avec panache s’affranchir de tout ça, de ce fatras idéologique qui exclu, et nous affranchit de même. Une performance abrasive et salutaire.
© Gianfranco Rota
R.OSA, concept, chorégraphie et direction de Sylvia Gribaudi
Avec : Claudia Marsicano
Lumières : Léonardo Benetollo
Costumes : Erica Sessa
Consultants artistiques : Antoio Rinaldi, Giulia Galvan, Francesca Albanese, Matteo Maffesanti
Jusqu’au 7 juillet 2024 à 20h30
Durée : 50mn
Lycée Jacques Decour
12 avenue Trudaine
75009 Paris
Réservations : www.parislete.fr
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