ƒ Article de Camille Scordia

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Au coeur d’une scène bi-frontale, R.A.G.E transporte au coeur d’une des plus grandes supercheries littéraires du 20ème siècle, mettant en scène son auteur, un écrivain célèbre, de l’Europe centrale de son enfance aux sommets de la diplomatie aux Etats Unis. Du fils d’une comédienne russe tenant une pension à l’écrivain charismatique et glorieux, le spectateur voit un même personnage traverser les âges de la vie, avec comme toile de fond les grands évènements du 20ème siècle. Pour incarner ce personnage complexe aux ramifications multiples, à la fois torturé par les questionnements propres à l’écrivain et orgueilleux, la compagnie Les Anges au Plafond construit un paysage visuel foisonnant, qui est en perpétuelle métamorphose. Dans une scènographie de type bi-frontale, de nombreux médiums sont mobilisés, de la marionnette manipulée à vue au masque, en passant par le théâtre d’ombres, avec des projections sur des panneaux frontaux, et un laboratoire de bruiteur installé sous forme de stand, près du plateau.

Avec légèreté, le spectateur se laisse aisément emporter par une narration fluide qui navigue entre réel et imaginaire, Histoire collective et destinées individuelles. Les personnages, une chanteuse balkanique au timbre tragique, des marionnettes-rats, un laboratoire de bruiteur installé, tel un stand, près du plateau, les multiples avatars du protagoniste, son neveu, semblent valser dans un tourbillon qui égare le spectateur lui-même. Face à un déferlement d’effets au plateau, de sources de sons, de bruitages, de chants, de lumières, d’images, de mouvements, le spectateur ne sait plus où donner de la tête. Construite sur un mode de narration trop linéaire, la trame de l’histoire paraît un peu simpliste, suivant, comme un biopic, les étapes de vie du personnage, de son enfance en Europe de l’Est à son internement en asile psychiatrique. Il n’y a pas de réelle transfiguration de l’histoire, si ce n’est sur le plan visuel. Alors que la supercherie et l’identité double semblaient être des thèmes de prédilection pour mener une réflexion sur la posture du marionnettiste, du double, R.A.G.E ne fait qu’effleurer, de manière plus ou moins superficielle, sans s’en ressaisir, les véritables enjeux du personnage. L’interprétation des comédiens, juste aussi bien sur le plan de la voix que de la manipulation, est occultée par de trop nombreux changements au plateau, qui détournent l’attention du spectateur sur les éléments scéniques.

Ce spectacle soulève pourtant des thèmes essentiels : l’identité de l’artiste, la circulation entre sa biographie et ses oeuvres, la censure, la transgression et la porosité entre imaginaire et fiction. Mais au milieu de tous ces enjeux, la compagnie semble avoir cédé à la tentation du spectaculaire, en sacrifiant la dramaturgie. Il en résulte une certaine lassitude, alors que le paysage qui s’offre aux yeux ne peut que ravir les amateurs de magie, d’illusion, de métamorphoses. Le travail énorme qui semble avoir été fourni, afin de construire une scénographie unique, s’est effectué au détriment de l’intensité dramatique.

R.A.G.E
Mise en scène Camille Trouvé assistée de Saskia Berthod
Scénographie Brice Berthoud assisté de Margot Chamberlin
Création sonore Piero Pépin, Xavier Drouault et Antoine Garry
Création lumière Nicolas Lamatière assisté de Quentin Rumeau
Création images Marie Girardin, Jonas Coutancier, Vincent Muteau
Création costumes Séverine Thiébault
Création marionnettes Camille Trouvé avec Armelle Marbet et Amélie Madeline
Regard magique Raphaël Navarro
Accessoires et mécanismes de scène Magali Rousseau

Avec Brice Berthoud, Jonas Coutancier, Yvan Bernardet, Xavier Drouault, Piero Pépin, Héléna Maniakis en alternance avec Noëmi Waysfeld

Du 2 au 5 décembre 2015
Mercredi, jeudi, samedi à 19h30, vendredi à 20h30

Théâtre 71 – Scène nationale de Malakoff
3, place du 11 novembre – 92240 Malakoff
01 55 48 91 00
www.theatre71.com

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