Critiques // Critique • « Quichotte » d’après Cervantès au Théâtre Mouffetard, mise en scène Isabelle Starkier

Critique • « Quichotte » d’après Cervantès au Théâtre Mouffetard, mise en scène Isabelle Starkier

Oct 19, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Quichotte » d’après Cervantès au Théâtre Mouffetard, mise en scène Isabelle Starkier

Critique de Rachelle Dhéry

« On pourra dire que moi je suis qui je suis. Yo soy quien yo soy. »

Alanso Quichano de La Manche (en Espagne) est obsédé par les romans de chevalerie. Atteint de folie, il décrète un jour être le chevalier Don Quichotte (« le porteur de vérité » en araméen) et affirme devoir parcourir l’Espagne pour voler au secours des opprimés, combattre le mal et retrouver sa dulcinée Dulcinée, parce qu’après tout, un chevalier a toujours une dulcinée quelque part. Suivi par un paysan pas si sot, Sancho, à qui il promet de lui offrir une île un jour, il traverse de nombreuses épreuves sur son fidèle destrier. Les moutons deviennent une redoutable armée, les moulins, des géants, les prisonniers, des âmes en détresse, les auberges, des châteaux, les personnages de théâtre, des êtres réels et les paysannes, des princesses. Convaincu de son état, il ne perçoit pas les regards moqueurs sur son passage et ne saisit pas l’hypocrisie cynique et perfide de la duchesse, n’évalue pas ses échecs ni ne réalise tout le ridicule de son personnage fantaisiste et inadapté à sa société. Puis, lassé de ses folles aventures, il décide de rentrer chez lui pour « mourir, dormir, rêver peut-être… ».

© Jean-Pierre Benzekri

« Car je crois que ce que je dis est comme je le dis, ni plus, ni moins »

Pour comprendre l’adaptation de cette célèbre histoire, par Isabelle Starkier, il faut être capable de rêver, de flotter vers ses souvenirs d’enfant, là où les frontières entre le réel et l’imaginaire ont été abolies, là où les personnages des livres prennent vie sous nos yeux avides, où la chambre d’un enfant peut devenir le monde, alors vous pourrez peut-être comprendre sa mise en scène. Comme dans un livre ouvert ou une chambre d’enfant, l’odyssée fantastique du chevalier Quichotte et de son fidèle écuyer Sancho peut maintenant devenir réalité.

« Qui se frotte à l’ail ne peut pas sentir la rose »

Quichotte est avant tout une très belle performance scénique et scénographique.

© Jean-Pierre Benzekri

Après « Scrooge », d’après Dickens, Isabelle Starkier a voulu revenir aux spectacles pour enfants, en adaptant ce grand monument de la littérature espagnole. Fidèle à ses équipes, elle a choisi Eva Castro, qui avait déjà joué pour elle dans « Monsieur de Pourceaugnac » en 2008, pour interpréter les différents personnages de la pièce. A Anne Bothuon, une plasticienne avec qui elle travaille depuis 2004, elle a confié la création des pantins, des costumes et des décors. Les dessins et peintures ont été réalisés par Jean-Pierre Benzekri, qui collabore à presque tous ses projets artistiques. Le résultat est magnifique. La comédienne Eva Castro offre une performance remarquable, de comédienne et de marionnettiste, dans une course effrénée à la frontière de la schizophrénie. Quichotte manipule Sancho, comme un prolongement de sa personne. Puis Sancho manipule Quichotte. Et lorsque la duchesse les manipule tous les deux, c’est la surenchère de la folie. Des marionnettes de toutes tailles, des personnages hauts en couleurs, aux costumes soigneusement travaillés, un décor mi-lit, mi-livre en drap peint, des musiques hispanisantes entrainantes, parfois du glauque et de l’effrayant, parfois du rire et de l’étonnement, parfois juste, malgré tous ces pantins, une humanité bouleversante. Bref, un vrai régal pour les yeux.

Toutefois, pour le rendre encore plus « adaptable » au jeune public, le spectacle gagnerait sans doute en force, en gardant les mêmes ingrédients, mais en réduisant la vitesse de jeu. La comédienne, aux prises de ses émotions, passe parfois tellement vite d’un personnage à un autre que les spectateurs peuvent avoir du mal à suivre. Et malgré son très bel accent espagnol, il serait bénéfique de ralentir le flot de paroles, pour rendre ce merveilleux texte plus fluide. Pour finir, les voix des différents personnages sont parfaitement maitrisées et soulignent une nouvelle fois l’incroyable talent de cette comédienne. La seule voix, me semble-t-il, qui pourrait être retravaillée, est celle de Don Quichotte, qui tire un peu trop dans les aigus et décrédibilise le personnage, qui s’efface un peu trop sous les traits de la comédienne.

Quichotte
D’après
: Cervantès
Mise en scène
: Isabelle Starkier
Avec
: Eva Castro
Lumières
: Bertrand Llorca
Dessins et peintures
: Jean-pierre Benzekri
Costume, décor, masques et accessoires
: Anne Bothuon

Du 8 octobre 2011 au 7 janvier 2012
Mercredi et samedi à 14h30, vacances scolaires du mardi au samedi à 14h30, matinées scolaires les 20 oct., 25 nov., 2, 9 et 15 dec. (relâches les 1er, 9 et 16 nov., 25 déc. et 1er jan.)

Théâtre Mouffetard
73 rue Mouffetard, Paris 5e
Métro Place Monge – Réservations 01 43 31 11 99
www.theatremouffetard.com

Compagnie Isabelle Starkier : www.startheatre.fr

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