Critiques // « Quelqu’un comme vous » de Fabrice Roger-Lacan au Rond-Point

« Quelqu’un comme vous » de Fabrice Roger-Lacan au Rond-Point

Mar 07, 2011 | Aucun commentaire sur « Quelqu’un comme vous » de Fabrice Roger-Lacan au Rond-Point

Critique de Rachelle Dhéry

Une inquiétante promiscuité… sur une paisible plage

Une plage. Immense étendue de sable. Un homme (Jacques Wéber). Seul. En costard. La cinquantaine. Étendu au soleil, il semble se reposer. Soudain, sa paix est contrariée par l’arrivée d’un intrus (Bénabar), la trentaine, en costard lui aussi. Le jeune homme s’invite et s’installe près de l’autre. Malgré l’immensité déserte de cette plage, il est venu se poser, là, tout près. Débute alors un affrontement d’abord courtois, puis peu à peu cynique, acide et dérangeant entre les deux hommes. Aux questions succèdent d’autres questions. Il faudra être patient pour obtenir les réponses. Au début, les questions semblent anodines : « Votre téléphone passe ? Le mien ne passe pas », « Vous êtes en vacances ? », « Pourquoi toutes ces questions ? ». Puis le dialogue monte et devient vite intrusif : « Pourquoi êtes-vous venu si près ? », « Pouvez-vous me passer de la crème? », « Que faites-vous dans la vie ? », jusqu’à en devenir inquiétant : « Ma chair vous dégoûte ? », « Pour quelle raison êtes-vous venu ? »

© Giovanni Cittadini Cesi

De Véber à Hitchcock, « Quelqu’un comme vous » est avant tout une comédie noire sur fond de drame social

D’une simple joute verbale, aux accents résolument modernes, à l’humour acéré et grinçant, dans un décor à la fois noble, apaisant et désert, c’est toute une toile sombre que l’auteur a brillamment tissé. En effet, au départ, on pense voir se dessiner un duo comique digne des François Pignon ou Perrin des films de Francis Veber. L’homme d’affaires stressé, misanthrope et impatient, face à l’envahissant bonhomme qui débarque avec culot dans sa vie, et parvient, malgré lui, à force de maladresses, à la lui gâcher. Or, ici, il n’en est rien. Tout comme dans ses précédente pièce à succès « Cravate club » et « Chien chien », Fabrice Roger-Lacan dépeint le rapport entre deux êtres avec un humour noir, cruel et forcément, inconfortable. Le duo permet notamment d’aborder tour à tour des sujets de société, en apparence anodins, mais qui révèlent, en fond, des malaises profonds. Sont notamment évoquées les question du chômage, de la lutte des classes, du divorce, de la solitude et du rapport à l’autre, en tant qu’individu. Une fois de plus, la mise en scène est confiée à Isabelle Nanty, qui retrouve l’auteur après avoir collaboré sur ses pièces « Cravate Club » (2001) et « Irrésistible » (2007),  et Jacques Wéber, avec qui elle avait travaillé dans « Le Tartuffe » (1995) – mais cette fois, les rôles étaient inversés.

© Giovanni Cittadini Cesi

Une très belle performance d’acteurs…

Dans cette création, les deux comédiens sont excellents. Le “monstre” Wéber, dans son personnage égoïste, misanthrope, en haut de l’échelle sociale affronte avec brio le jeune Bénabar, qui, malgré son premier rôle, incarne à merveille cet être volontairement culotté, cet homme de mains intrusif et dérangeant.

…mais qui, malheureusement, ne suffit pas à faire vivre cette rencontre.

Un texte habile et intéressant, des acteurs brillants, une metteuse en scène confirmée, un théâtre illustre et magnifique, tout porte à croire que la pièce promet un moment intense et haletant. Pourtant, la magie ne prend pas. À force de sérieux, la rencontre des deux talents ne fonctionne pas. Les choix scénographiques semblent inutiles et apportent souvent leur lot de mystères (Pourquoi ce fond ? Pourquoi cette chanson ? Pourquoi ce micro ? Pourquoi cette lumière ?) là où deux sièges auraient suffi. Dans cet immense théâtre, l’intimité de cet étrange huis-clos est corrompu, et peine à trouver sa place. Un plus petit théâtre aurait sans doute mieux servi le texte. Quel dommage!

Quelqu’un comme vous
De : Fabrice Roger-Lacan
Mise en scène : Isabelle Nanty
Avec : Jacques Weber et Bénabar
Assistant à la mise en scène : David Zeboulon
Scénographie et costumes : Thierry Flamand et Virginie Hernvann
Lumière : Laurent Béal
Son : Guillaume Monard

Du 3 mars au 10 avril 2011

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt, 75008 Paris
www.theatredurondpoint.fr

Be Sociable, Share!

Répondre

You must be Logged in to post comment.