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Que d’espoir ! Cabaret Théâtral, texte d’Hanokh Levin, mise en scène de Valérie Lesort, au Théâtre de l’Atelier, Paris

Avr 29, 2025 | Commentaires fermés sur Que d’espoir ! Cabaret Théâtral, texte d’Hanokh Levin, mise en scène de Valérie Lesort, au Théâtre de l’Atelier, Paris

© Fabrice Robin

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

Douce ou cruelle ironie que ce titre Que d’espoir !. Un recueil de textes et de chansons d’Hanokh Levin, écrits pour le cabaret, que met en scène avec une vraie jubilation Valérie Lesort. Et tout le talent, l’originalité qu’on lui connait. De nos vies minuscules, de nos espoirs élimés par le quotidien et le temps qui passe, de nos rêves chimériques en lambeaux déchirés par les désillusions, de la mort qui achève une vie étriquée, Hanokh Levin avec beaucoup de tendresse, de poésie et de vacherie fait son miel. Si la vie n’est qu’une vallée de larmes comme le chante si bien Brigitte Fontaine, autant en rire plutôt qu’en pleurer à défaut de préférer la Provence. De cette grisaille, de ce brouillard existentiel vécu par des personnages paumés, toujours à côté de leurs pompes, aussi exaspérants qu’attachants, tout aussi déterminés à vivre que convaincus de l’inutilité d’une existence qu’ils peinent cahin-caha à appréhender, avec une écriture aussi acérée que son humour, le plus souvent noir et corsé, Hanokh Levin sans misanthropie, mais lucide, dépeint notre pauvre et catastrophique existence empêtrée dans ses contradictions et l’espérance de lendemains toujours désenchantés.

On connaît l’appétence et la tendresse pour la marge et les personnages hors-normes de Valérie Lesort, cette monstruosité ordinaire qui hante son univers. On comprend dés lors que cet écrivain lui soit si proche. De ce quotidien et de cette vie qui leur passe sous le nez, elle extrait avec une délicatesse corrosive toute l’humanité et la fragilité dont ils sont au final pétris. Evitant avec intelligence tout réalisme et par la grâce de prothèses, les corps sont augmentés, disproportionnés, déformés. Avec parfois un petit côté Ken et Barbie hypertrophiés coiffés de perruques insensées empruntées à quelques Playmobil (©), soulignant sans doute cette volonté contemporaine de se conformer à un idéal de beauté plastique (et siliconée), une injonction esthétique relevant d’une nouvelle forme de monstruosité, qui n’est que notre triste conformisme contemporain et la soumission au regard, au jugement d’autrui. Ce n’est pas de la caricature, pas vraiment, mais une volonté aussi de les inscrire fortement dans un univers visuel entre la B.D, la marionnette et le cabaret, où l’on retrouve la signature originale et transdisciplinaire de Valérie Lesort. Une écriture scénique bien plus subtile et sensible qu’il n’y parait, ajustée idéalement à l’écriture et l’esprit caustique d’Hanokh Levin. Cette exagération jusqu’à la métamorphose propre au cabaret où le trait épaissi avec soin et à dessein appuie une réalité ainsi mise à nue par l’artifice même. Ils sont grotesques d’apparence, certes, mais jamais ridicules par ces traits qui accusent leur triste banalité ou leur monstruosité ordinaire sous le masque social tant ce qu’ils expriment au fond sur leur condition est d’une sourde mélancolie, un désespoir qui ne s’avoue jamais ou bien du bout des lèvres. Les couleurs franches, acidulées et pimpantes choisies ne sont qu’une façade, un trompe-l’œil, qui peine à dissimuler la noirceur des propos d’une vie et d’un univers pas toujours rose.

La mise en scène ne s’appesantit jamais, aussi ciselée que l’écriture d’Hanokh Levin, tout ici est fluide et les tableaux s’enchaînent sans temps mort, ponctués de chansons mises en musique par Charly Voodoo, autre freak sortie pour l’occasion de chez Madame Arthur. Avec toujours pour fil conducteur tendu l’absurdité de notre condition humaine. On rit franchement, on s’émeut aussi devant ce miroir qui nous est tendu. Une vessie qui vous lâche et c’est votre destin qui jamais ne basculera. Un hot-dog contient la promesse d’une vie vite avortée. « Passe-moi le sel », cette simple injonction déclenche un cataclysme conjugal. Un chapeau-cabas faire prendre conscience d’avoir loupé le coche. Et le corps vieillissant qui vous lâche jusqu’au pet foireux… Et tout cela de finir naturellement au cimetière et en chanson. Et ces cinq-là sur le plateau, dirigés au cordeau, sont d’une justesse épatante qui ne tombent jamais dans la caricature mais offrent à chacun de leur personnage, aussi déglinguées soient-ils, aussi absurdes soient leurs conditions, une humanité rongée par l’aveuglement et le désenchantement. L’important étant « de garder la santé (…) car il nous faut être en forme pour comprendre bien que nous avons vécu et nous mourrons pour rien ».

 

© Fabrice Robin

 

Que d’espoir, textes choisis parmi les cabarets d’Hanokh Levin

Textes français de Laurence Sendrowicz (© Editions Théâtrale)

Mise en scène de Valérie Lesort

Avec : Valérie Lesort en alternance avec Céline Milliat-Baumgartner, Hugo Bardin, David Migeot, Charly Voodoo

Assistante à la mise en scène/accessoiriste : Florimond Plantier

Collaborateur artistique : Hugo Bardin

Compositeur : Charly Voodoo

Création lumières : Pascal Laajili

Mise en espace : Robin Laporte

Création costumes : Elisabeth Cerqueiras, Lucie Charrier, Maxence Moulin, Fabienne Touzi di Terzi, Carole Allemand

Réalisation prothèses : Laurent Huet, Maxence Moulin, Carole Allemand

Perruques et maquillages : Hugo Bardin

Remerciement à Sébastien Le Rigoleur et les Ateliers d’Amélie

Photographie de l’affiche / Plateau : © Fabrice robin

 

Du 24 avril au 13 juillet 2025

Du mardi au samedi à 21h, le dimanche à 16h

Durée 1h10

 

Théâtre de l’Atelier

1 place Charles Dullin

75018 Paris

 

Réservations : 01 46 06 49 24

billeterie@theatre-atelier.com

 

 

 

 

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