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Quand j’étais Charles, de Fabrice Melquiot au Théâtre Gérard Philipe

Fév 02, 2016 | Commentaires fermés sur Quand j’étais Charles, de Fabrice Melquiot au Théâtre Gérard Philipe

ƒƒ  Article de Camille Scordia

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© Tristan Jeanne Valès

Vincent Garanger est le seul interprète de cette pièce écrite et mise en scène par Fabrice Melquiot, qui a pour décor un club-karaoké de province, peuplé de quelques vieux routards et villageois, où passent et repassent en boucle les grands classiques de la chanson française. Une histoire simple, habitée par un homme seul, Charles, fan invétéré de Charles Aznavour. Cet amour n’a qu’une seule rivale : sa femme, Maryse, aimée depuis le lycée, avec qui il célèbre, ce soir-là au Karaoké, ses vingt ans de mariage. Ensemble, ils ont un fils, pour lequel Charles n’éprouve qu’indifférence, tant l’amour pour Maryse est grand. L’euphorie du moment pendant lequel il revient sur vingt ans d’amour conjugal, laisse rapidement place à l’amertume. Charles nous confie à mi voix, depuis la scène où il fait son show, que Maryse le trompe. Ses nombreuses infidélités, connues de Charles, finissent par se solder en rupture : Maryse le quitte, laissant Charles seul et le cœur brisé. Mais quand l’amour s’en va, sa petite musique reste. C’est ainsi grâce à son amour pour Aznavour qu’il sort la tête de l’eau, revivant à travers ses mots, ses chansons, les moments de bonheur amoureux avec Maryse.

« Quand j’étais Charles » est un monologue traversé par des voix, figures – représentées par des masques – qui évoque la nostalgie des amours perdues, dans un milieu rural loin de l’agitation urbaine. En se rapprochant de ces « vies minuscules », à travers un Monsieur tout le monde, Fabrice Melquiot dépeint aussi une réalité sociale : celle du monde rural, où les clubs, karaokés, sont des lieux de sociabilité, de divertissement et de peine. Le personnage de Charles y trouve un espace où s’ouvrir aux autres, confier ses chagrins de cœur brisé, et in fine, purger sa tristesse.

Le texte de Fabrice Melquiot semble écrit sur mesure pour le comédien Vincent Garanger, qui l’interprète avec une justesse sidérante. Son personnage d’homme usé, détruit par l’amertume de l’amour déçu, parvient à toucher sans mal, mais évite soigneusement de tomber dans le pathétique. Cet écueil est contourné grâce à une écriture sans fard, qui serre de près les détails du quotidien et les transcrit simplement, avec pudeur et sobriété. Le jeu de Vincent Garanger suit cette ligne, et déclenche le rire plus que l’apitoiement, dressant le portrait d’un homme que son amour de la chanson sauve du désespoir.

Ce n’est pas seulement aux cœurs brisés que le spectacle s’adresse, il porte un discours sur l’amour qu’il est beau d’écouter, en nous plongeant dans la nostalgie réconfortante des karaokés. Il démontre que le topo du malheur amoureux peut toujours être revisité, qu’il est un endroit où tout le monde se retrouve, une source d’inspiration intarissable.

Quand j’étais Charles
Texte et mise en scène Fabrice Melquiot
Musique et arrangements Simon Aeschimann
Lumière Mickaël Pruneau
Sculptures et masques Judith Dubois, Kristelle Paré
Costumes Malika Maçon
Avec Vincent Garanger

Du 29 janvier au 14 février 2016
Du lundi au samedi à 20h30, dimanche à 16h, relâche le mardi

Théâtre Gérard Philipe – Centre Dramatique National de Saint-Denis
59, boulevard Jules Guesde – 93200 Saint Denis
Réservation 01 48 13 70 00
www.theatregerardphilipe.com

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