ƒƒ article de Victoria Fourel
La veille, j’étais face à Stéphane Daurat racontant Rhinocéros de Ionesco, mis en scène par Catherine Hauseux. Aujourd’hui, inversion des rôles : elle devient comédienne, dirigée par lui.
Dans ce texte pur et moderne sur la condition féminine, on ébauche des destins de femmes à partir d’entretiens, on écoute ce que les femmes ont retenu, ce que les femmes ont à dire sur elles, sur les hommes, le féminisme, le travail, les enfants. C’est d’abord un beau travail d’interprétation, puisque Catherine Hauseux réussit à incarner chaque femme, de la jeune adulte à l’aïeule, sans singer, sans sortir complètement d’elle-même, et accepte les failles de ces personnages : certains lui échappent un peu et elle a bien plus de mal à écrire et à interpréter la jeunette un peu rebelle sans tomber dans la caricature, mais tout est fait avec naturel et candeur, sans prétention. Plus le spectacle avance, et plus l’auteure et comédienne crée l’intimité avec ses personnages de femmes, et plus on est pris au jeu.
Comme dans Rhinocéros, tout part d’une idée toute simple de mise en scène. Il y a quatre vêtements rouges, que la comédienne passe successivement, et qui symbolisent les quatre femmes que l’on va entendre. Il n’en faut pas plus pour entrer dans l’imaginaire et créer un spectacle facile à emporter partout, avec un visuel fort. Malgré tout, cela rend le spectacle un peu prévisible, un peu linéaire, comme parfois l’utilisation de linge blanc qui donne un appui de jeu peu nécessaire (tantôt le personnage en étend sur un fil, en met dans un sac à dos pour partir…). Mais même si elle n’est pas tout à fait originale la mise en scène est dynamique, concrète, et on est toujours accroché au texte.
Le texte, d’ailleurs, est étonnamment à la fois plein d’évidences sur les femmes, et en même temps de choses essentielles à entendre. Il parle de leurs acquis, leurs désirs, la pression qu’elles subissent à vouloir tout faire, les études, qu’il faut avoir faites pour être indépendantes, mais aussi les contradictions portées par les plus jeunes, heureuses d’être les héritières de ces acquis, mais submergées par tant de liberté, peut-être. Là encore, certains personnages sont plus forts que d’autres. On est ému aux larmes par la poésie et le respect portés par un personnage de femme d’un autre temps, on l’est moins à d’autres moments, arrêté par quelques facilités ou lieux communs.
S’il y a une chose dont je suis convaincue à la sortie de ce spectacle, c’est que même avec des failles, ou quelques faiblesses, on ne parle jamais assez des femmes. De ce que cela signifie d’être une femme, on ne se battra jamais assez, hommes et femmes, et chacun avec ses propres mots, pour que soient reconnues les histoires de chacune.
Quand je serai grande
De Catherine Hauseux
Mise en scène Stéphane Daurat
Avec Catherine HauseuxDu 19 février au 25 mars 2016, les vendredis à 19h45
Du 5 avril au 31 mai, le mardi à 19h45L’Essaïon
6, rue du Pré-au-Lard
Métro Rambuteau ou Châtelet
Réservation 01 42 78 46 42
www.essaion.com
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