À l'affiche, Critiques // Privacy, Collectif de Warme Winkel, Théâtre Garonne, Toulouse

Privacy, Collectif de Warme Winkel, Théâtre Garonne, Toulouse

Nov 24, 2017 | Commentaires fermés sur Privacy, Collectif de Warme Winkel, Théâtre Garonne, Toulouse

© Dorothea Tuch

ƒƒƒ  Théodore Lacour

Tout est pornographie !

Nos vies, comme une succession de multiples séquences pornographiques que nous mettons en scène avec délice et impudeur. Tout est une occasion pour s’exhiber, s’exposer, mettre en partage nos nudités, nos trop pleins et nos riens – particulièrement sur les réseaux sociaux – et c’est bien de cela qu’il s’agit dans Privacy.

Sur scène, où est disposé un cube blanc et son rideau à paillettes, un musicien placide nous observe nous installer. Un dispositif relevant à la fois d’un espace performatif dans une sorte de nudité et de monstration sans secrets et d’un espace qui n’est pas sans rappeler les entrées de peep show, ou des boutiques à secrets intimes, qui égayent toutes les villes du monde. Tel un rabatteur le musicien se présente, nous donne des indications de route pour aller « vers le spectacle » et nous souhaite d’avoir du plaisir à assister à une re « présentation » ou une présentation de soi…

Tout au long de cette Privacy mise en pâture devant nos sens déployés, ces deux espaces fonctionnent comme des chambres d’échos, où des mises en jeu se tissent, cohabitent, se distancient et tracent les sinuosités de l’âme humaine et du monde actuel tel que nous le présentent Ward Weemhoff et Wine Dierickx, les deux performeurs accompagnés de Stefan Schneider, le musicien complice et malicieux.

La proposition est comme un compte à rebours dans le temps. Endossant d’abord avec décalage les traits de personnages publics (comme on pourrait imaginer Slavoj Žižek et son travail autour du réel du symbolique et de l’imaginaire), puis plus people (notamment le couple John Lennon/Yoko Ono et leur non moins fameux Bed Peace tourné à à l’Hôtel Reine Elizabeth à Montréal par Nic Knowland en 1969) les deux performeurs en Adam et Eve, depuis la chambre de « révélations » immaculée, telle un paradis intime, nous invitent à ré-convoquer l’expérience mythique du couple non moins mythique entremêlant art et vie intime.

Et lorsque Wine Dierickx nous demande si c’est de l’art ou de l’amour, et alors même que tout est engagé pour que nous basculions ensemble, nous traversons le rideau vers une toute autre pornographie. Les deux performeurs apparemment en couple aussi bien hors-scène que sur scène nous dévoilent dans un long ruban de soie de mots, leur intime et leur intimité.

Dans une écriture précise, directe, dénuée de censure, jouant avec subtilité des questionnements sur l’intime, l’art, le pornographique, les deux êtres/performeurs nous emportent avec humour et délice dans un striptease au travers de leurs récits comme autant d’auto fictions (ou pas) qui les dénudent de plus en plus.

Nous glissons avec eux, portés vers cette frontière entre réel et fictionnel – comme une métaphore de nos vies qui s’inventent, se délivrent, se façonnent sur les réseaux sociaux, sur les multiples médias, devant nos amis et devant nos miroirs.

Nous glissons ensemble dans une abondance de détails relevant du pornographique au sens de délivrer, montrer, donner accès à une intimité de plus en plus grande comme pour nous convaincre nous-mêmes que nous sommes bien vivants.

On peut regretter parfois quelques longueurs mais finalement est-ce que ce trop plein ne serait pas lui non plus une volonté diarrhéique et pornographique !

Je n’en dis pas plus, il y a tant de richesse dans cette proposition qu’il faut allé découvrir sans tarder une mise en jeu où tout semble simple et « naturel » mais qui laisse découvrir encore de belles subtilités alors que nous avons repris le chemin de nos vies, de nos écrans connectés et de nos lits.

On saluera ici le travail homogène de cette équipe sans oublier la dramaturgie de Joachim Robbrecht et la scénographie de Theun Mosk qui se mettent au service du propos d’une belle et subtile manière.

 

Privacy, Collectif de Warme Winkel

Conception, texte et performance  Ward Weemhoff, Wine Dierickx
Mise en scène  Marien Jongwaard
Avec  Ward Weemhoff, Wine Dierickx
Dramaturgie, script  Joachim Robbrecht
Musique, composition  Stefan Schneider
Scénographie, Lumières  Theun Mosk

Spectacle en néerlandais et anglais, surtitres en français

Théâtre Garonne
1, avenue du Château d’eau
31300 Toulouse

24 et 25 novembre à 20h30
27 et 28 novembre à 20h

Réservations  05 62 48 54 77
www.theatregaronne.com

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