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Prison Possession, de François Cervantès, au 11. Gilgamesh Belleville, Festival Avignon Off

Juil 24, 2017 | Commentaires fermés sur Prison Possession, de François Cervantès, au 11. Gilgamesh Belleville, Festival Avignon Off

© Mélania Avanzato

ƒƒƒ article de Jean Hostache

 

A partir d’une correspondance avec Erik Ferdinand, détenu de la prison du Pontet, François Cervantès nous expose un dialogue sensible et atypique le temps d’une représentation.

C’est la puissance du réel qui est en jeu ici. La retranscription de ces échanges épistolaires nous traverse en plein cœur. Les mots n’appartiennent plus à une fiction. Bien évidemment la parole est rendue au théâtre par le biais d’un brillant seul en scène, mais il n’empêche que ces mots demeurent ceux écrits par un homme à la table de sa cellule spartiate. Le réel prend ici une revanche sur le théâtre, les mots ne capitulent pas, ils nous frappent par l’intensité des faits qu’ils portent en eux. De la description alarmante du milieu carcéral à l’ouverture d’un dialogue humaniste sur l’homme et le monde, ces échanges sont d’une richesse inestimable. On comprend, et on a parfois honte de se le figurer si tard, la condition aujourd’hui inquiétante et dangereuse des prisonniers. Les détenus comme les « sans voix » de la société, ceux qui n’ont plus de liens avec l’extérieur, ceux qui vivent la violence et subissent l’état lamentable de nos prisons. Grace au théâtre, du moins avec ce projet engagé et militant, la scène leur prête une voix, fait résonner et entendre leurs cris déchirants qui nous laissent intranquilles.

François Cervantès porte magistralement sur scène ce récit qui nous parvient d’une grande limpidité. On ne peut néanmoins pas parler pour son spectacle de seul en scène. Non. La présence de son correspondant à travers ce qui nous est dit reste si forte, palpable, qu’il habite et hante le plateau. Il accompagne son acolyte au cours de la représentation, on se le figure bien, il est face à nous. S’effectue par ailleurs ce glissement intéressant d’une identité à une autre. Tantôt François Cervantès prend la distance qui fait respirer et raisonner le récit, tantôt le « je » du prisonnier qui écrit s’incline dans une incarnation redoutable et puissamment juste. Seul et à peine éclairé par un faible faisceau de lumière – un peu comme chez Claude Régy – François Cervantès devient une figure fantomatique qui s’efface et réapparait pour dire le bruit du monde.

Il signe un réel chef-d’œuvre et on sort de son spectacle les yeux humides devant tant de beauté.

 

Prison Possession, de et par François Cervantès

A partir d’une correspondance avec Erik Ferdinand
Son, lumière et régie générale  Xavier Brousse
Scénographie  Harel Luz

Du 6 au 28 juillet à 12h25 (relâche les 11, 18 et 25)

« 11 » Gilgamesh Belleville
11 boulevard Raspail, 84000 Avignon
Réservations au 04 90 89 82 63

http://www.11avignon.com

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