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Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?, de Pierre Solot et Emmanuel De Candido, dans le cadre d’Impatience, au CENTQUATRE-PARIS

Jan 18, 2021 | Commentaires fermés sur Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?, de Pierre Solot et Emmanuel De Candido, dans le cadre d’Impatience, au CENTQUATRE-PARIS

ƒƒ article de Nicolas Brizault

Elle l’a quitté. Quand, comment, pourquoi, questions évidentes, oui, mais dans ce spectacle, deux loustics vont presque tout nous expliquer, ou pas grand-chose, c’est à nous de voir. Nous sommes accueillis très sympathiquement, comme chez eux, légèrement, grands sourires. Et puis un minuteur géant est mis en marche. Etait-ce déjà prévu en 2018 ? En tout cas il faut faire attention au temps, le prendre et le compter pour nous présenter au mieux cet homme, qui ne veut plus dire oui à sa belle. On s’attend à beaucoup d’histoires, de rebondissements. Et en fait, c’est une histoire des jeux électroniques qui nous est offerte, depuis son origine jusqu’à maintenant ou presque. Le public est interrogé, le public répond, et paf ! le jeu se développe, de deux « cailloux-pixels » passe à un univers universel renversant, avec des monstres, des déesses, des armées ailées, des cailloux partout, des dragons… Et des joueurs. Sinon ça ne fonctionne pas. Et un joueur en particulier, sinon nous ne serions pas au théâtre, ou alors pas devant Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?.

Parce qu’en fait oui, cette question est l’essence même de cette soirée : pourquoi cette belle histoire à une fin. On imagine qu’une solitude à la Ménie Grégoire est forcément la cause, ce vilain garçon ne pense qu’à lui et bousille cerbère, saltimbanques lucifériens aux doigts bagués sans fin, etc. Oui, il a dû passer par là à un moment ou un autre, mais ce n’est pas pour ça qu’elle le quitte. Non, c’est un homme très bien, c’est pour ça qu’elle s’enfuit. En fait, il ne passe pas son temps à faire joujou son surhomme, il déglingue des gens ici où là, sans risquer la prison pour un sou, il est militaire et pilote de drone. Et il en a eu assez, et a crié grâce. Donc on le quitte.

Pierre Solot et Emmanuel De Candido reprennent ici une histoire vraie, ayant eu lieu aux Etats-Unis il y a quelques années. Nous sommes entraînés très vite et très bien, on sourit, le jeu est là et nous courrons en fait vers la terreur de nos armées meurtrières. Idée forte soutenue avec une légèreté qui n’assomme pas, ne terrifie pas, pas tout de suite. La construction est riche même si la présentation a de temps en temps « glissé » comme si c’était une toute première, ce qui n’était pas le cas : de micros ratés qui faisaient penser à un spectacle de fin d’année d’un lycée sage. Triste surprise donc, mais on ne peut pas se plaindre de ce genre de glissement léger. Pas maintenant. On est pris dans ce jeu en fait, on flotte et rebondit avant de se prendre la noirceur du sujet en pleine figure, on s’y attendait, pour rire. Eh bien non. On nous raconte l’histoire d’un homme qui a cessé d’en massacrer d’autres. Un serial killer oui, mais au nom de son gouvernement, les Etats-Unis. Et qui un jour a voulu dire stop. Et qui un jour l’a dit. Pourquoi Jessica a-t-elle quitté Brandon ?, on le sait mais on ne le comprend pas, pas vraiment. On ne s’appelle pas Jessica il faut dire. Ce spectacle est intelligent, riche, sans une once de prétention, étale du lumineux pour lutter contre le sombre. Très belle idée !