Critiques // « Pour l’instant je doute » de Marie Fourquet au CDN de Montreuil

« Pour l’instant je doute » de Marie Fourquet au CDN de Montreuil

Fév 03, 2011 | Un commentaire sur « Pour l’instant je doute » de Marie Fourquet au CDN de Montreuil

Critique  d’Ottavia Locchi

Autour de la thématique « Que deviennent les Femmes ? », Marie Fourquet fait parler les hommes…

De la testostérone chez Marie Fourquet

Peut-être fallait-il une femme pour faire enfin sortir la gent masculine de leur carapace de pudeur !
Trois hommes sur scène nous parlent d’eux, de leurs aventures, de leurs inquiétudes, de leurs histoires avec les femmes. Sous formes de monologues, chacun va prendre la parole et nous transporter dans une scène vécue. Ainsi, on fera connaissance de Lucie, la femme trop commune pour son homme qui ramenait des fleurs pour se sentir moins moche avec elle, mais aussi des jambes de la femme d’Olivier, de l’épouse devenue une mère parfaite « complètement siphonnée », ou encore de celle qui pleure dans la rue faisant passer son compagnon pour un connard fini.
Sur scène, deux jeunes femmes les accompagnent. Elles ont des guitares électriques et pas de texte. Comme pour rappeler qu’elles sont omniprésentes, et qui-plus-est, s’emparent facilement d’un objet masculin sans pour autant perdre leur identité…

© Delphine Schacher

Le pari est gagné, et le titre « Pour l’Instant je Doute » est une réponse au questionnement masculin étouffé et provoqué par l’émancipation féminine de ces dernières années : où j’en suis, moi, homme du XXIe siècle ?

Marie Fourquet, auteure et metteuse en scène, a choisi de mettre ses personnages dans des situations où ils sont confrontés à un choix. « Ça les rend fragiles, drôles ou odieux » nous explique-t-elle. « Le doute reste très peu viril, il n’est pas rassurant. Les femmes veulent des hommes sensibles et fragiles, mais quand-même…». Les monologues sont donc animés par une faiblesse délicieusement avouée par l’homme, remis en question par la femme tant rêvée.

« Moi j’ai longtemps cru qu’un seul baiser pouvait tout faire basculer »

Dans ces monologues, il n’est pas non plus question de critiquer la femme, c’est là qu’est la subtilité. Avec une simplicité déconcertante, ils se livrent enfin. On saisit ces rêves qui bercent les hommes, avec cette naïveté qui les caractérise aussi (« Elle est où cette femme si chaude que j’ai épousé ? »). C’est aussi pourquoi le rock’ n’ roll est là, sur scène, représenté par les guitares des filles et annoné parfois par un comédien « Qu’on me donne l’envie ! ». Elles, elles chantent « Rêves d’un prince et d’une princesse » (Michel Legrand) ou « I wanna be your Dog » (Iggy Pop & the Stooges). Parfois elles donnent la réplique, mais c’est vraiment exceptionnel. Et pendant que les hommes se racontent et s’épanchent, les filles font de la guitare et gèrent le son en scène. Une douce inversion des rôles, en somme.

© Delphine Schacher

Le décor dans lequel les trois garçons des temps modernes évoluent est morcelé. Il y a un salon / studio, un lavabo / salle de bain, un rideau / terrasse, et un grand canapé avec une table basse où s’amassent bières et cartons de pizza, inévitablement. Comme si les espaces ne pouvaient pas se rencontrer, les garçons établissent de rares contacts, sauf pour raconter ensemble cette histoire avec les jambes de la femme d’Olivier en se prélassant sur la représentation d’un clitoris géant.

« Je suis un Héros tragique face à son destin » : Ils nous le répètent, voudraient que les femmes se rallient à leur cause et les comprennent, aussi, un peu, parce que zut, ils font beaucoup pour elles, parce qu’au fond, ils les aiment, ces insupportables femmes dont ils nous  dépeignent les traits…
En toute honnêteté, qui mieux que les hommes peuvent parler aussi bien des femmes ?
C’est drôle, délicat, surprenant, en un mot : irrésistible.

Pour l’Instant je Doute
Texte et mise en scène : Marie Fourquet
Collaboration artistique : Philippe Soltermann
Scénographie : Serge Perret
Musique guitares live : Ifé Niklaus et Malena Sardi
Avec : Frédéric Ozier, Frank Semelet, Philippe Soltermann

Nouveau Théâtre de Montreuil – Centre Dramatique National
Salle Maria Casarès, 63 boulevard Victor Hugo, 93 100 Montreuil
www.nouveau-theatre-montreuil.com


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