© Pauline Le Goff
ƒƒƒ article de Denis Sanglard
« Tu n’es pas seule Laurent. »
Histoire d’une transition. Laurent, père de famille mène une vie banale. Seulement Laurent est déchiré : son sexe n’est pas son genre. Au fond de lui il y a Lauren, cœur battant d’une vérité intime. Point Cardinal, c’est le combat pour affirmer son identité, s’affranchir des préjugés, le courage de l’affirmation de soi. Ne plus paraître. Être, enfin. Sébastien Desjours adapte le roman de Léonor de Récondo, embrasse son personnage avec acuité, sensibilité voire pudeur. Evitant avec justesse tous les clichés afférents, il esquisse plus qu’il n’incarne, suggère plus qu’il ne démontre. Laisse toute la place à ce texte singulier qu’il donne à entendre dans ses pleins et ses déliés, dans une oscillation réussie entre récit et jeu.
Adaptation un peu sage à vrai dire, on aurait souhaité sans doute un point de vue plus polémique. Trahir ce texte un peu trop lisse au regard d’une réalité plus âpre même s’il n’épargne rien de la violence du parcours de Laurent pour atteindre Lauren. Famille pulvérisée, transphobie de l’entreprise, emprise d’une certaine psychiatrie qui ne voit là qu’une névrose obsessionnelle. Julien Desjours reste dans les bornes du texte et ne s’en éloigne pas, pas plus qu’il ne s’éloigne de son personnage. Il n’y a à vrai dire rien à reprocher vraiment. C’est une mise en scène d’une rare et juste sobriété, tenue et subtile, élégante même, rien de moins, rien de trop. Un délicat équilibre qui évite toute affectation, ce que l’on aurait pu craindre avec ce sujet propre à tout débordement, voire d’excès. Sébastien Desjours demeurant tel qu’en lui-même, entre masculin et féminin, se refuse au travestissement. Reste ainsi avec justesse et paradoxalement fidèle au personnage qu’il ne trahit ainsi aucunement en se refusant de jouer à « être », à vouloir incarner absolument. Heureuse et fragile distance qui évite tout voyeurisme malgré l’émotion qui affleure. Juste une vérité nue, des faits énoncés. C’est donc au spectateur de faire la démarche, de voir la métamorphose de Lauren ici détourée. Et ce n’est pas plus mal. Une veste de tailleur, une paire de chaussure à talon haut, ces quelques signes affirmeront seuls la transition de Laurent en Lauren. Et c’est dans la lumière, après le clair-obscur du plateau, et dans la salle même prenant donc chacun à témoin et sans plus de distance soudain que Lauren se révèle enfin. Ainsi Sébastien Desjours projette brutalement le texte, la fiction dans une réalité tangible et troublante.
© Jules Audry
Point Cardinal de Léonor de Récondo
Adaptation scénique, conception et jeu Sébastien Desjours
Collaboration artistique Claire Chastel et Bénédicte Rochas
Scénographie et costumes Anne Lezervant
Collaboration à la scénographie Quentin Paulhiac
Lumières & création musicale Olivier Maignan
Création son Gildas Mercier
Du 7 octobre au 30 décembre 2020
Mercredi et jeudi 21 h 15,
Vendredi et samedi 19 h 15,
Dimanche 15 h
Théâtre de Belleville
16 passage Piver
75011 Paris
Réservation : 01 48 06 72 34
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