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Petite chronique du Off d’Avignon 2012

Août 09, 2012 | Aucun commentaire sur Petite chronique du Off d’Avignon 2012

Par Rachelle Dhéry

Un Fauteuil Pour l’Orchestre existe depuis plusieurs années et son objectif n’a pas changé : aider les internautes à se repérer dans le foisonnement de l’offre culturelle francilienne à travers des critiques, des interviews… Au sein du collectif se dessine déjà la volonté de couvrir une zone géographique plus importante. Nous, rédacteurs, issus pour la plupart du monde du théâtre, connaissons suffisamment l’importance et l’impact du Festival d’Avignon, que ce soit dans le « in » ou dans le « off », sur l’univers de la Culture, pour savoir que nous avions le devoir de couvrir l’évènement. C’est donc avec plaisir et honneur que je me suis rendue dans cette ville mythique bordée par le Rhône, abritée par des remparts imposants, soulevée par un mistral puissant, inondée du soleil de Provence, aux murs et rues repeintes d’affiches, au rythme des cigales, je m’en allais danser enfin sur le Pont d’Avignon…

J’avais projeté de voir mille et un spectacles, d’assister à toutes les réunions et débats organisés par le Village du Off, ou le programme du In, mais étant moi-même artiste au sein d’une compagnie, le temps m’a fait défaut. Au final, j’ai eu envie de vous faire part des bruits de la rue, des rires et larmes des compagnies, des joies et déceptions du festival, des évènements notables dans cette cacophonie, des spectacles qui ont su sortir du lot parmi 1160 autres, du centenaire de la naissance de Jean Vilar, des parades croisées et emmêlées, et puis des coups de gueule aussi… C’est ainsi que je conçois ma petite chronique du Off d’Avignon 2012.

Le Off vu par l’Association Festival et Compagnies, présidé par Greg Germain

« Autour du festival, créé en 1947 par Jean Vilar, s’est développé un espace plus spontané, installé dès 1966 à l’initiative d’André Benedetto. Tirant sa première vigueur de l’esprit de 1968, le OFF a constamment poursuivi son expansion jusqu’à réunir aujourd’hui entre 100 et 130 lieux, permanents, semi-permanents ou éphémères. En 2012, 975 compagnies aux histoires et aux expériences très diverses, venant de toutes les disciplines artistiques, y ont présenté 1 161 spectacles.

La multiplicité et la richesse des offres culturelles proposées pendant un mois font du OFF un événement incontournable. Le festival est le reflet grandeur nature de la réalité de la vie artistique des territoires. Le côtoiement de compagnies confirmées portées par des Régions de plus en plus impliquées, de compagnies indépendantes et de compagnies novices, fait du OFF le seul lieu de France où peut se nouer un dialogue global sur les enjeux des politiques culturelles. En ce sens, le OFF a tous les atouts pour jouer un rôle majeur dans le diagnostic sur l’état de la création, dans la réflexion sur les perspectives, et dans l’impulsion d’initiatives fortes, indépendantes, et unies.  (…) »

Voilà comment nous était présenté ce festival de théâtre unique au monde, par AF&C, l’association qui gère cet évènement riche et complexe. Enfin, je dis « théâtre », mais il faudrait plutôt le définir comme le lieu de toutes les formes de représentations publiques du spectacle vivant contemporain.

Best of du OFF à voir en vidéo ici

Le Off en chiffres :

Les chiffres du off parlent d’eux-mêmes : 1476 programmateurs, 623 journalistes et 313 institutionnels ont fait leur « marché » dans le « Off », pour 1161 spectacles représentés par 975 compagnies. Ça fait du monde, mais pas assez puisque le seul recul a été observé au niveau des entrées : 46 561 « cartes adhérents public » ont été vendues, contre 47 432 l’année dernière. On peut trouver d’autres chiffres bilan ici.

Le Off en crise !

Au sein des compagnies, on a pu ressentir les effets de la crise qui touche notre société : difficulté à remplir les jauges, lent renouvellement des publics, tractages et parades laborieuses auprès des spectateurs bien moins nombreux cette année que les années précédentes. Car malgré le nombre à peu près fixe de cartes vendues, les spectateurs semblaient rester moins longtemps, agissant inexorablement sur le manque de bouche à oreille, dans un sens comme dans l’autre. Dans la rue, on pouvait voir déambuler les addicts du « In » aussi bien que les familles venues nombreuses assister aux spectacles de rue et autres joies avignonnaises, ou les touristes étrangers venus découvrir ce haut lieu de culture. Mais où étaient donc passés les spectateurs du « Off » ? Les tracteurs distribuaient autant aux badauds qu’aux artistes-mêmes. Labeur et stress parfumaient l’ambiance de la ville mistralienne.

Des bruits de rue annonçaient près de 400 compagnies quittant précipitamment le festival faute de spectateurs et 40% de festivaliers en moins. Impossible pour le moment d’avoir les chiffres exacts. Concernant les autres rumeurs avérées ou non, ce site mérite d’être connu www.lebruitduoff.com.

Le Off marché international de la Culture :

Heureusement, le « off » ne se résume pas seulement à la jauge ou aux parades, mais c’est surtout un lieu de rencontres et d’échanges, et le « marché » des professionnels de la culture. De ce côté-là, rien à redire, ils étaient au rendez-vous. Quant aux rencontres, débats et échanges, le village du Off proposait un programme riche et varié pouvant intéresser tour à tour, tous les acteurs culturels présents dans la ville. Cette année, l’enjeu allait à l’international. Les aficionados du festival le ressentent : de plus en plus de compagnies étrangères présentent leurs créations au sein du festival, et leur présence ouvre en quelque sorte les frontières et offre de nouveaux horizons pour les artistes français. Là où les uns y voient une nouvelle concurrence, les autres savourent le goût de nouvelles opportunités. Le mélange, étrange de prime abord, quand une parade d’un classique moliéresque en costumes, chants ou combats croise le chemin d’une parade asiatique silencieuse et poétique, cadencée au rythme d’un gong, s’avère vite être un symbole d’ouverture, de tolérance et signe d’un théâtre protéiforme. Compagnies d’Asie donc, mais aussi de Belgique, de Grande Bretagne ou du Bassin Méditerranéen étaient à l’honneur, notamment lors de la semaine internationale du Off du 19 au 26 juillet. Toutefois, cette année semblait orientée vers l’Allemagne, signe que la culture suit de près les enjeux majeurs de la société. Plusieurs spectacles du « In » étaient présentés en allemand surtitré, comme « Un ennemi du Peuple », d’Henrik Ibsen, mis en scène par Thomas Ostermeier, ce qui expliquait clairement le nombre impressionnant de touristes germaniques. Tant mieux pour l’amitié franco-allemande !

Le Off au cœur de la société :

En parlant de société, l’évènement marquant du Festival fut sans doute  la visite de notre nouveau Président de la République. François Hollande en personne est venu saluer le 15 juillet l’intérêt et l’importance du festival Off, accompagné de notre nouvelle Ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti. C’est une première dans l’histoire du Off. Espérons que ce ne sera pas la dernière.  Il a reconnu les dangers de la précarisation des  artistes et compagnies, et a confirmé la normalité de la prise de risque dans un projet culturel.  Il a évoqué le problème des intermittents qu’il va falloir résoudre en partenariat avec les acteurs concernés et les budgets « dégelés » ou presque pour la culture. Pour finir, il a souligné un fait avéré : « Ce festival formidable permet à des jeunes troupes d’être très fières, parce que c’est le meilleur diplôme de dire : « Je suis passé par Avignon ». » Avant de rajouter que lui aussi, il était passé par là l’an dernier, et depuis, il est devenu président.

La visite du Président en vidéo ici

Le Off lieu de mélange, d’ouverture ou de mépris ?

Plus haut, je parlais du mélange incongru des genres et des pays. Avignon Off, c’est aussi ça : le jeune public qui côtoie le public adulte voire très adulte, la marionnette rencontrant la vidéo, la musique rock accoudée au théâtre classique, un cirque fréquentant un seul en scène, de l’ombre, des objets, du masque, de la commedia, du vaudeville, du boulevard, de l’absurde, de la danse, du chant, du théâtre-danse, du mime, du conte… Un piano enchanteur déambulant dans les rues, croisant un immense ascenseur de l’amour portable, évitant d’importuner une joyeuse troupe de commedia chantant à tue-tête, accompagnée d’un accordéoniste aux mains agiles… Les compagnies subventionnées qui côtoient les non subventionnées, des lieux accueillants, des lieux rebutants, des sièges confortables ou des bancs durs qui font mal au dos, des théâtres qui gonflent les jauges et installent les spectateurs sur les marches face à des lieux respectueux de la charte du « Off », des lieux subventionnés face à des lieux dits « garages », des longues files d’attente dans les salles du Capitole, du Palace et du Paris programmant les « stars » des one-man ou des spectacles qualifiés de mauvais boulevards, face à d’autres contraints d’annuler parce que dénués de « têtes d’affiches » ou d’auteur à succès. Les ravis diront que c’est ainsi qu’ils conçoivent la diversité culturelle et les lois d’Avignon, les aigris pesteront contre la mauvaise qualité des spectacles à l’affiche, notamment ceux qui cartonnent. Autre  tendance cette année, le public vieillissant, les pièces à texte ou pièces d’auteur avaient la part belle.

« Si Vilar voyait ça, il se retournerait dans sa tombe ! », hurlait une femme dans la rue devant une parade du Off.

« Bien au contraire, Madame ! Jean Vilar a dirigé le Théâtre National Populaire. Il serait fier ! », lui rétorqua un des artistes de la troupe.

Liste non exhaustive de spectacles qui méritent d’être vus (sans ordre particulier):

–      « Vagabonds des Mers » par ID Production
–      « Les Tribulations d’Harold » par Brouhaha Productions
–      « Romeo et Juliette » par la Compagnia Dell Impprovviso
–      « Être ou ne pas être » par la Compagnia Dell Impprovviso
–       « L’Affaire Calas » par la Compagnie La Marotte
–      « Le Monologue de la Femme rompue » par la Compagnie Nous-mêmes Prod
–      « Imagine-Toi » par la Compagnie Little One
–      « Le Porteur d’Histoire » par la Compagnie Los Figaros
–      « Le Mariage de Figaro » par Comédiens et Compagnie
–      « Bien au-dessus du silence » par le Théâtre de l’Horizon
–      « Entre 2 étages » par la Compagnie A Tout Va
–      « L’Amour Médecin » par la Compagnie A Tout Va
–      « Hitch » par Acte 2 / Hitch & Cie / RSC
–      « Magic Dust » par la Compagnie AzHar
–      « Le Silence de la Mer » par la Compagnie Le Théâtr’On
–      « Rien… Et m’aime trop » par la Compagnie Paille Productions
–      « Le Cabaret des hérétiques » par le Théâtre du Maquis
–      « Le Chalet de l’horreur de la trouille qui fait peur » par la Compagnie A.C.T.A

Festival d’Avignon Off
Du 7 au 28 juillet 2012.
www.avignonleoff.com

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