À l'affiche, Critiques // Petit traité d’éducation lubrique, de Lydie Salvayre, mise en scène Jean-Michel Ribes, au Théâtre du Rond-Point

Petit traité d’éducation lubrique, de Lydie Salvayre, mise en scène Jean-Michel Ribes, au Théâtre du Rond-Point

Avr 06, 2018 | Commentaires fermés sur Petit traité d’éducation lubrique, de Lydie Salvayre, mise en scène Jean-Michel Ribes, au Théâtre du Rond-Point

© Giovanni Cittadini Cesi

ƒ Article de Victoria Fourel

C’est un texte, un traité, un petit manifeste. Ou plutôt non, c’est un mode d’emploi pour une sexualité brillante et lettrée, maligne et flamboyante. Un instrument de lutte contre ceux qui voudraient régir, assombrir et attrister nos corps.

La part belle est faite au texte, c’est une évidence. Le titre en est énoncé, les pages en sont tournées, et les deux comédiennes, face public, assise à leurs tables, lisent, sur un ton entre la conférence et le jeu de séduction. De très belles lumières illuminent les comédiennes, et c’est l’atout principal de cette mise en scène. C’est ce qui crée l’atmosphère de boudoir et la distance avec le discours très direct lu au public. En dehors de ça, l’intérêt scénique n’apparaît pas de façon très évidente.

En effet, même si un partage du texte dynamique et drôle a été créé, et même si les comédiennes font tout parvenir, on sent que l’envie de mettre à l’affiche ce texte tenait davantage à sa dimension actuelle et sociétale. C’est d’ailleurs ce que revendique son metteur en scène. Dans un moment de notre Histoire où nos moyens de séduction sont mis en doute, où il semble nécessaire de parler de ce que sont la lubricité, le plaisir et la liberté, jouer ce savant mélange de grivois et de poétique ne peut faire que du bien à la scène du théâtre. Chaleureux moment teinté d’engagement, ce petit traité joué et lu fait mouche. Mais l’on peut trouver dommage de ne pas avoir fait paraître la dimension théâtrale de ces conseils, de ces préceptes. De ne pas avoir mis en mouvement les sonorités et les musiques de ce texte sensuel qui joue avec les goûts et les sons des mots.

La lecture est en effet découpée en thèmes, abordés les uns après les autres, des préliminaires à la politesse en matière de cour, des différents types d’hommes au vocabulaire à employer dans diverses situations… Mais le tout est annoncé par des transitions musicales, sans vraiment qu’elles ne mettent le propos en valeur. De la même façon, pour parler d’un sujet où l’enthousiasme et l’agitation des sens sont centraux, dommage de ne pas avoir exprimé davantage d’amusement et de jeu entre les comédiennes, qui ne font qu’opiner aux discours de l’une et de l’autre, et se regarder avec complicité.

Des images naissent dans nos imaginaires quand les comédiennes jouent avec les mots de Lydie Salvayre, quand elles imitent certains types d’hommes et de femmes, et l’on aimerait que soit poussée l’interprétation du traité. Cette mise en plaisir de Jean-Michel Ribes, comme l’annonce l’affiche, fait partie de ces spectacles qu’on ne peut pas vraiment mettre au rebut. Belle équipe, texte savoureux, et intérêt évident au sein d’une époque. Mais à la fois, ce n’est pas parce que l’on peut réunir tout cela que le rendu final sera marquant et original. Rien n’annonce qu’il s’agira d’une lecture, où quelques ajustements restent d’ailleurs à faire, et nous voilà donc un peu déçu que rien de plus ne soit fait pour créer une réelle adaptation théâtrale.

 

Petit Traité d’éducation lubrique

Texte Lydie Salvayre
Mise en scène Jean-Michel Ribes

Avec Annie Grégorio et Alexie Ribes

Du 4 au 8 avril 2018, du mercredi au samedi à 20h30, et le dimanche à 15h30

Théâtre du Rond-Point
2 bis avenue Franklin D. Roosevelt
75008 Paris

Réservation 01 44 95 98 00
http://www.theatredurondpoint.fr

 

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