© Christophe Raynaud de Lage
ƒƒ article de Denis Sanglard
Penthésilée, reine des amazones, éprise d’Achille, vaincue par lui. Achille vainqueur tombé amoureux pendant le combat l’opposant à Penthésilée se fait passer pour son prisonnier pour mieux la soumettre. Dupée, Penthésilée qui, selon la loi de son peuple se doit de conquérir par les armes l’être aimé, apprenant la vérité décide de se venger, et provoque un ultime combat. Dans sa fureur, sa folie, elle tue son amant, le déchiquète. Tragédie romantique de Kleist, texte puissant et complexe, mise en scène par Sylvain Maurice et interprétée par Agnès Sourdillon. Seule sur le plateau, telle un aède, conteuse et personnage tout à la fois, elle embrasse la totalité de cette fable accompagnée de cinq chanteurs (quatre femmes, un homme) et d’un bassiste, écho contemporain − beatbox, soul, trip hop, funk et world pour la partition − d’un chœur antique revisité. Une mise en scène épurée, plateau vide et blanc, projection vidéo, Sylvain Maurice place délibérément son actrice au centre du dispositif, en adresse directe au public. De rhapsode elle glisse imperceptiblement vers l’incarnation. Agnès Sourdillon joue, effleure tous les personnages qui bientôt s’effacent devant Penthésilée en sa fureur. C’est une tragédie. Tragédie d’une guerrière éprise d’un homme mais soumise à la loi de son peuple, de l’impossibilité à concilier son héritage et son désir d’émancipation. Au risque de la folie. Seulement voilà dès l’entrée d’Agnès Sourdillon quelque chose cloche. Cette arrivée sautillante, si l’on peut dire, opère dès l’ouverture un étrange décalage entre l’actrice et le personnage attendu. Sans rien retirer aux qualités d’Agnès Sourdillon, excellente actrice formée par Vitez, on a l’impression d’un poids plume s’attaquant à plus fort que soit. Et malgré ses efforts, cognant dans le vide. Le texte semble trop grand pour elle, Penthésilée trop éloignée d’elle. La fureur, la folie même manquent d’ampleur. Agnès Sourdillon reste en deçà, toujours, du texte qu’elle maîtrise au mieux mais ne dompte pas, qui lui résiste fermement, lui échappe. Manque ici cruellement la présence, la puissance, la force du souffle tragique pour convaincre tout à fait et qu’accuse involontairement le dénuement volontaire, l’épure de la mise en scène. Agnès Sourdillon est à nu, désarmée. Penthésilée, en un mot, manque cruellement de mordant. Et ce malgré les chanteurs et le bassiste, malgré une composition sonore originale qui n’illustre pas mais participe à l’action, souligne les situations, apporte une modernité certaine sans dénaturer l’œuvre. On regrette juste l’utilisation de l’anglais, deux chansons il est vrai, qui détonne quelque peu. Sans doute est-ce encore trop frais, c’était la première, sans doute Agnès Sourdillon doit-elle encore trouver ses marques pour que le projet de Sylvain Maurice, concilier théâtre et musique pour un nouveau langage scénique, réussisse pleinement. Le théâtre est aussi affaire de temps.
© Christophe Raynaud de Lage
Penthésilée de Heinrich von Kleist
Traduction Ruth Orthman, Éloi Recoing
Mise en scène et version scénique Sylvain Maurice
Composition et direction musicale Dayan Korolic
Assistanat à la mise en scène Béatrice Vincent
Scénographie Antonin Bouvret
Costumes Virginie Gervaise
Lumière Gwendal malard
Création vidéo Loïs Drouglazet
En collaboration avec Antonin Bouvret
Création son Jean-François Domingues
Coiffure et maquillage Noï Karunayadhaj
Avec Agnès Sourdillon, Janice in the noise, Ophélie Joh, Julieta, Dayan Korolic, Mathilde Rossignol, Paul Vignes
Du 4 au 27 mars 2020
Mercredi et vendredi à 20 h 30, jeudi à 19 h 30, samedi à 17 h
Relâche dimanche, lundi et mardi
Théâtre de Sartrouville
Place Jacques Brel
78500 Sartrouville
Réservations 01 30 86 77 79
www.theatre-sartrouville.com
comment closed