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Peau de Vache, de Barillet et Gredy, mise en scène de Michel Fau, au Théâtre Antoine

Sep 30, 2016 | Commentaires fermés sur Peau de Vache, de Barillet et Gredy, mise en scène de Michel Fau, au Théâtre Antoine

ƒƒƒ article de Denis sanglard

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© DR

Michel Fau revisite de nouveau le théâtre de boulevard. Après Fleur de Cactus de Barillet et Gredy avec Catherine Frot, c’est à Peau de Vache, des mêmes auteurs, qu’il s’attelle. Le théâtre de boulevard, satire de la vie bourgeoise des trente glorieuses, dont Barillet et Gredy sont les représentants, au même titre que Feydeau et Labiche le furent pour le leur. Michel Fau aime le théâtre sans distinction et c’est tout à son honneur. Ce répertoire qu’il explore avec gourmandise, ça se voit, il le saisit sans se départir d’une vision bien particulière. C’est du théâtre avant toute chose, des pièces faites sur mesure pour des caractères bien trempés, des acteurs à poigne, de vrais tempéraments. Le boulevard c’est une sacrée école. Michel Fau avec Peau de Vache signe une mise en scène en apparence moins maîtrisée que Fleur de cactus. C’est un leurre. C’est qu’il s’attache particulièrement à son actrice principale, l’exentrique et inénarrable Chantal Ladesou. Fait le vide autour d’elle comme un écrin. Alors oui, tout est volontairement faux dans cette mise en scène que souligne un décor artificiel, superbe trompe l’oeil et carton pâte. Voilà, c’est annoncé, on évacue les décors traditionnels du salon bourgeois pour signifier que l’intérêt est ailleurs. Dans les dialogues. Et les acteurs justement. Chantal Ladesou donc en premier chef. C’est un bulldozer que cette comédienne qui entraîne avec elle une distribution au cordeau, qui ne moufte pas, et qui suit en rang serré et docile, sans barguigner mais avec un plaisir vrai, cette boule de nerfs qui casse la baraque. Mais attention ce n’est pas n’importe quoi. Chantal Ladesou est une comédienne hors pair, diction plus que rapide, parfois boulée, une énergie dévastatrice, un corps en mouvement perpétuel, qui oscille dangeureusement parfois, capable de ruptures insensées et étonnantes dans les dialogues. Des répliques qui sifflent et cinglent comme des coups de cravache et qu’elle module en experte. Et quand elle se tait ce n’est pas pour autant des vacances, elle est tout aussi présente, envahissante mais à l’écoute, toujours. Une leçon de comédie. Aux esprits chagrins qui regrettent les Maillan, Les Pacôme, les Desmaret, la relêve est assurée. Michel Fau le sait qui entoure de prévenance Chantal Ladesou, lui laissant largement la bride sur le coup. Et la classe d’icelle est qu’elle ne bouffe jamais ses partenaires. Au contraire on devine une complicité et une franche admiration qui les fait avancer ensemble. La mise en scène de Michel Fau semble plus lâche que Fleur de Cactus. Du moins en apparence. Car c’est bien une volonté de démontrer que ce théâtre-là souvent conspué, méprisé – que d’hypocrisie – est avant tout un théâtre de comédiens, que Barillet et Gredy pouvaient faire passer leur satire cuisante des moeurs bourgeoises, car leur théâtre est aussi féroce que Guitry et consort, par ces caractères volcaniques qui vous carbonisaient les planches. Une question de circulation des corps aussi. Le choix de Chantal Ladesou s’avère donc une évidence. Elle qui semble improviser ces vacheries assénées avec art. Jouant et se jouant avec un plaisir évident des conventions théâtrales, particulièrement du boulevard, de ce carton pâte volontaire dont elle souligne l’artifice, dont elle s’amuse même. Les accessoires ne sont que des accessoires vite – au sens propre – balancés en coulisse. Chantal Ladesou fait le vide, se débarrasse du superflu qui l’encombre pour qu’il ne reste que le dialogue et la confrontation avec ses partenaires, tous impeccables. Ce qui n’empêche nullement d’être crédible et plus qu’à l’aise dans ce rôle retaillé sur mesure qu’elle endosse avec naturel. Ça a beau être Chantal Ladesou, c’est avant tout Marion, qui maîtrise la vie de son mari jusqu’à en contrôler ses maîtresses. La salle exulte dont elle fait une complice qui n’ignore rien des fous rires du plateau – il y en eu – et même des « blancs » de la comédienne (sans doute un peu fatiguée ?) et qui n’hésite pas à l’affirmer et à en rire. C’est pour ça que ça marche aussi, nous sommes au théâtre toujours, c’est avant tout ici une histoire de relation entre un comédien et le public. Michel Fau le sait et ne dit mot devant tant d’abattage, qu’il pousserait même, certain que ce théâtre de boulevard tient justement à ça. Un vrai théâtre populaire.

 

Peau de Vache
Texte Barillet et Grédy
Mise en scène Michel Fau
Décors Bernard Fau
Costumes David Belugou
Lumières Joël Fabing
Maquillages Pascale Fau
Avec Chantal Ladesou, Grégoire Bonnet, Anne Bouvier, Urbain Cancelier, Maxime Lombard, Stéphanie Bataille (en alternance avec Isabelle Ferron) et Gérald Cesbron
Du mardi au samedi à 21h
samedi et dimanche à 16h

Théâtre Antoine
14, boulevard de Strasbourg – 75010 Paris
Réservations 01.42.08.77.71
www.theatreantoine@hotmail.fr

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