© Elodie Grégoire

ƒ Article de Victoria Fourel

Les personnages créés par Laura Domenge sont femmes, hommes, filles, vieilles et moins vieilles personnes, solitaires et/ou bavardes. Elle les égraine et en profite surtout pour parler d’elle et de nous, femmes et hommes pas sages.

Le charme opère sur le public. En un mot comme en cent, ça rit beaucoup. Cela tient peut-être au fait que la jeune comédienne récupère tous les codes du one man show (plateau neutre, table noire et bouteille d’eau, adresse permanente au public), mais pour parler des femmes et des filles, des complexes, du corps et de son âge. Si l’on reste en revanche extérieur à ce choix de coller au style, on regrette évidemment qu’elle ne se soit pas davantage affranchie du genre. Pourquoi tant de mimiques silencieuses pour laisser le temps aux rires ? Pourquoi tant de transitions éculées de type « Je ne sais pas pour vous, mais moi… » ? Encore une fois, il faut préciser que le public est avec elle de bout en bout. Mais c’est le regard plus aigu, plus difficile, qui tique, celui du spectateur qui guette les moments où l’humoriste rit à ses propres blagues. Bref, celui qui n’est pas acquis au spectacle.

Il existe un réel décalage entre cette Laura Domenge qui vanne sans vraiment renouveler l’exercice, et celle qui a écrit et créé de formidables personnages. Certains sont d’une finesse de jeu et d’écriture telle qu’on est presque tenté de ne pas rire. De ne pas répondre par le rire. Non pas parce que Gigi et Dominique (qu’il ne faut pas appeler Dominique parce que ça fait vieille peau) ne sont pas drôles, mais parce qu’elles sont aussi touchantes, parfois inspirantes ou pathétiques, et qu’on voudrait pouvoir mieux les admirer. Et c’est là qu’un vrai tournant pourrait être pris dans le spectacle, sans jamais qu’il ne le prenne. A trop vouloir un rire constant, le spectacle joue la quantité, un rendement de blagues, parfois très très drôles, mais aussi parfois un peu déjà-vues ou un peu faciles, et ne prend pas le temps d’exploiter ces moments de grâce, ces fulgurances. Il y a donc des moments étranges où le public  reprend sa respiration après l’éclat de rire de la phrase précédente, et ne sait comment réagir à un moment d’émotion qui tombe soudain de la bouche d’un des personnages.

Même si rire des cases que l’on s’inflige et que l’on se cherche est salutaire, il ne faut pas tomber dans les lieux communs de l’époque, il faut réinventer son sujet pour ensuite pouvoir dire au spectateur et aux projecteurs : je ne suis vraiment pas là où l’on m’attendait.

Laura Domenge a toute sa place sur la scène humoristique actuelle. Elle est bonne comédienne, boule d’énergie scénique, elle est toutes les ratées, toutes les normales, toutes les rigolotes du métro et des cours de yoga. Ne manquent plus que la surprise, la vraie nouveauté pour encore révolutionner les ratées, les normales et les rigolotes.

PasSages

Textes Laura Domenge et Christian Lucas
Avec Laura Domenge

A partir du 29 septembre 2017
Les vendredis et samedis à 21h30 et à partir du 19 novembre les dimanches à 19h

Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs
75006 Paris
Métro Notre-Dame des Champs ou Vavin

Réservation 01 45 44 57 34
www.lucernaire.fr

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