© CNDC Angers
ƒƒ article de Nicolas Thevenot
Qu’en est-il du vide ? Existe-il ? Est-il un espace à habiter, un lieu à partager ? Comment l’approcher, le mesurer ou s’y mesurer ? Il s’avère en tout cas électrique et magnétique avec Marie Goudot et Sophia Dinkel qui lui offrent une partition comme une parure imaginaire révélant son invisible squelette. Une guitare électrique posée à terre, le martellement d’un pied frappant le sol comme un claquement de main pour réveiller les étendues désertes. La guitare, à l’instar de tout instrument de musique, capte les modifications du milieu physique et les traduit et restitue par l’émission de sons se propageant à leur tour dans le monde. La réverbération du choc ruisselle en nappes électriques et sonores se déployant à l’infini. Il y a chez Marie Goudot et Sophia Dinkel un sens de l’équilibre comme si elles se tenaient sur un fil infime et instable, il y a aussi à l’intérieur même de ce couple féminin un équilibre entre la sereine et dense présence de l’une, privilège de l’expérience, et l’assurance, empreinte de vive audace et de nervosité, de l’autre, apanage de la jeunesse. Leurs figures flottent sans assignation entre musiciennes rock garage et guerrières de Wittig, et dans cet évitement de l’identification quelque chose de troublant s’instille. Une poésie rêveuse, vagabondant aux confins de la matière et de l’être. Dans l’obscurité leurs mains filent une invisible laine sonore comme une légère toison berçant les esprits. Notre abandon n’est toutefois pas complet : Partager le vide est encombré d’un artefact, pour reprendre ici une terminologie scientifique, comme si dans cette expérience le protocole même visant à cette exploration empiétait et influait l’objet de sa recherche : l’extrême attention et la minutie portées à la performance musicale, toute en délicatesse, sans doute nécessitées par la composition sonore, colorent le vide de solennité, ce dernier se révélant alors plein et les deux performeuses vestales, à leur corps défendant.
La danse est sans a priori, immédiate et nette. Elle se distingue de la musique comme si elles faisaient chambre à part, ou correspondaient entre elles dans des temporalités successives dans leurs chambres d’écho respectives. Une réverbération lumineuse comme celle qui se fait jour lorsque les deux femmes dansent dans deux couloirs parallèles. Pas d’unisson, qui serait une sorte de soumission, mais une liberté de mouvements précis, étincelant de quelques coudées franches, comme des épines scintillantes dans le flot des souvenirs. Les gestes s’articulent d’une ligne à l’autre comme deux lignes de nage où les remous se communiquent matériellement d’un corps à l’autre. Leur danse est simple, franche et sans apprêt, elle touche la diastolique du vide si l’on peut ainsi le nommer.
© CNDC Angers
Partager le vide, chorégraphie et interprétation de Marie Goudot et Sophia Dinkel
Conseils artistiques : Michael Pomero et Julien Monty
Dramaturgie musicale : Tom Pauwels (Ictus)
Création sonore et live : Fred Jarabo
Lumières : Quentin Maes
Regard extérieur : Julie Guibert
Durée : 60 minutes
Du 3 au 5 avril 2025, à 20h sauf samedi 19h
Ménagerie de verre
12/14 rue Léchevin
75011 Paris
Tel : 01 43 38 33 44
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