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Parralax, de Kata Wéber, mise en scène de Kornél Mundruczó, Odéon – Théâtre de l’Europe (Ateliers Berthier)

Oct 20, 2024 | Commentaires fermés sur Parralax, de Kata Wéber, mise en scène de Kornél Mundruczó, Odéon – Théâtre de l’Europe (Ateliers Berthier)

© Nurith-Wagner Strauss

 

 ƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Shoah, LGBTQI, difficultés intergénérationnelles sont au menu de Parralax de Kata Wéber et Kornél Mundruczó. Le réalisateur Hongrois a voulu montrer ce qu’il appelle un « arc générationnel » en partant d’un objet, l’identité juive, vu par trois personnages différents, de générations successives. Trois regards ou trois angles de réflexion sur une même appartenance. Le rejet d’une identité qu’il fallait cacher pendant la Shoah ; la revendication d’une appartenance religieuse ou tout du moins culturelle à l’époque contemporaine pour retrouver une identité ; l’indifférence face à cette appartenance en raison de la focalisation sur la recherche d’une autre identité. Et les incompréhensions réciproques sur ces réactions individuelles, non partagées, bien que par les membres d’une même famille.

En soi, le sujet est évidemment extrêmement important, même si la question de la recherche et des échecs dans une transmission n’est pas original. Mais son traitement dans la pièce est inégal. Finalement, c’est la première partie, la plus sobre en termes de scénographie et de mise en scène, qui est la plus convaincante. Même si certains éléments semblent empruntés à d’autres metteurs en scène contemporains (le procédé du travail de plateau filmé derrière les cloisons d’un appartement a ainsi déjà été souvent utilisé ; le parent qui s’oublie obligeant son descendant à nettoyer est une version soft de Castellucci), il est particulièrement réussi et millimétré ici avec un beau travail de direction d’acteurs et de jeu de la part de Emőke Kiss-Végh et Lili Monori. Les échanges hyperréalistes sont convaincants et émouvants. Et l’eau qui jaillit de toute part, sortant des placards et autres éléments du décor comme un nouveau déluge est certes impressionnant esthétiquement, mais produit finalement un peu ce que l’on a déjà ressenti dans Après la répétition / Personna d’Ivo von Hove : est-ce qu’une telle démesure de moyens peu compenser les faiblesses de la création ? Par faiblesse, il faut entendre en l’espèce, la facilité du recours à une autre forme de démesure, celle qui vise à choquer le public. Mais cela fait belle lurette que le bourgeois, y compris (ou surtout) de l’Odéon, n’est plus choqué (à part une spectatrice du premier rang qui est partie et un spectateur anglo-saxon entendu à la sortie indiquant s’être caché les yeux pendant plusieurs dizaines de minutes) par le recours récurrent à la nudité ou à des formes diverses de vulgarité, qu’elles soient de langage ou de mise en situation. L’exposition pendant près d’une demi-heure d’une partouze gay avec des scènes très explicites (expliquant la mention dans le programme que « certaines scènes sont susceptibles de heurter la sensibilité du public ») ne dit pas forcément mieux ou aussi bien qu’un dialogue ciselé pour parler d’identité sexuelle.

Le metteur en scène a l’habitude de se saisir des sujets qui fâchent le régime de son Etat d’origine et pour faire face aux insupportables postures et actions normatives d’Orbán. Orientation sexuelle et migration sont les deux majeurs, dont Kornél Mundruczó s’est déjà emparé au cinéma (par exemple dans La Lune de Jupiter). Peut-être est-il nécessaire d’utiliser ces ressorts comme une forme de résistance esthétique politique, mais elle a pour conséquence d’affadir le sujet principal et toutes les nuances qui étaient bien présentes dans le dialogue entre la mère rescapée des camps et sa fille qui veut retrouver ses racines et sa fierté d’être juive. Dès lors, la parallaxe ou notre perception d’une même réalité n’a pas forcément évolué après la deuxième et troisième parties et on ressort de ce spectacle présenté à l’occasion du Festival d’Automne, finalement un peu démuni, en se demandant en quoi il peut permettre d’apporter une pierre efficace contre les persécutions anciennes opérées sur certaines parties de la population par une démocratie illibérale qui n’en finit pas de faire surgir la bête immonde.

 

© Nurith-Wagner Strauss

 

Parralax, de Kata Wéber (avec l’ensemble de l’équipe)

Mise en scène : Kornél Mundruczó (Proton Theatre)

Dramaturgie : Soma Boronkay, Stefanie Carp

Scénographie : Monika Pormale

Costumes : Melinda Domán

Lumière : András Éltető

Musique : Asher Goldschmidt

Chorégraphie : Csaba Molnár

Collaboration artistique : Dóra Büki

Assistant à la mise en scène : Soma Boronkay

Avec :  Soma Boronkay, Emőke Kiss-Végh, Erik Major, Bence Mezei, Csaba Molnár, Lili Monori, Roland Rába, Sándor Zsótér

 

Jusqu’au 18 octobre 2024, à 20h30

Durée : 1h50

En hongrois, surtitré en français

Certaines scènes sont susceptibles de heurter la sensibilité du public

 

 Odéon Théâtre de l’Europe (Ateliers Berthier)

1 rue André Suarés

75017 Paris

 

Réservations : www.theatre-odeon.eu

 

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