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Ovni rêveur – Le corps éparpillé dans la tête, texte de Babouillec, mise en scène de Léna Paugam, à la Villette

Mar 19, 2025 | Commentaires fermés sur Ovni rêveur – Le corps éparpillé dans la tête, texte de Babouillec, mise en scène de Léna Paugam, à la Villette

fff article de Denis Sanglard

Ovni rêveur – Le corps éparpillé dans la tête, c’est la rencontre organisée par la metteuse en scène Léna Paugam entre la poétesse Babouillec et le danseur Thierry Thieû Niang. Ce dernier ne pouvant assurer les représentations a transmis à Félicien Fonsino le fruit de ce travail bouleversant. Babouillec est autiste déficitaire, elle ne parle pas. Qui mieux qu’elle pour définir son handicap. « L’autisme n’est pas une jungle mais un désert édulcoré. Je sillonne chaque jour pour trouver la sortie. Aride est mon parcours. Je plonge dans le cosmos tous feux éteints » (Algorithme éponyme). Elle ne peut tenir un stylo et c’est à l’aide de lettres cartonnées posées sur une table qu’elle écrit mots et phrases, une poésie fulgurante qui vous embrase par sa beauté immédiate, savante, et complexe. Pour qui découvrira cette création, écoutez bien le poème lu par Arthur H…

En prologue de cette rencontre, Babouillec écrit : « Ce soir on se rencontre dans mon silence, et l’aventure au théâtre c’est maintenant, allez go ». Et c’est bien dans ce silence, le sien, qui est mystère, que nous plongeons, littéralement sidérés. Que dire de cette rencontre sinon qu’elle est avant tout un état de présence d’une fragilité qui fait toute sa force intranquille. On ne peut rien dire de ce qui sur le plateau se passe, rien. Sinon que cet instant de partage où le temps est suspendu, dilaté, l’espace devenu un espace mental inédit, plonge le spectateur dans un état émotionnel sinon d’émotivité que seule une poésie pure, un langage singulier où l’improvisation et l’écoute sont la clef, peut amener. Il faut accepter de se perdre, de s’abandonner à ce qui se donne sans façon et ce qui nous est offert là n’offre aucune prise, rien où se raccrocher et laisse toute critique impuissante, impossible. On ne peut juger ce qui est vérité, dévoilement – seul le vraisemblable sur un plateau est critiquable – et s’offre ainsi sans prévention aucune. Il n’y a rien de démonstratif, rien de spectaculaire, rien de virtuose, parfois même il ne se passe, en apparence, strictement rien. Mais ce rien est précieux qui est présence absolue, dépouillée de toute barbouillage dramaturgique. Babouillec est là, Félicien Fonsino est là, point. Et c’est d’une grande profondeur et puissance. Ou Félicien Fonsino danse sous le regard intense de Babouillec. Babouillec esquisse quelques pas, parfois. Les tableaux se succèdent, images énigmatiques. Entre ces deux-là une communion, un équilibre délicat et sensible, la porosité entre deux univers qui ne font plus qu’un où Babouillec est le centre, autour duquel Félicien Fonsino gravite, une révolution attentive et réactive aux inflexions intimes, imperceptibles de Babouillec.

Était-ce prévu ? On devinait, on pressentait que peut-être l’imprévu pouvait s’inviter. Babouillec soudain est sortie du plateau, s’installant dans la salle. Sur le plateau l’équilibre semblait rompu brutalement, quelque chose d’indicible s’effondrer, rompant le fil de ce récit rêveur, Babouillec emmenant avec elle cet univers poétique, son monde intérieur auquel Félicien Fonsino s’était accordé en toute humilité. Cet incident, si incident il y eu, révélait toute la fragilité et l’essence même de cette création, cette rêverie à deux, ce poème mutique où le corps transfiguré se fait l’écriture et le récit d’un monde intérieur qui n’appartient qu’à Babouillec.