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Outwitting the devil, direction et chorégraphie Akram Khan, au Théâtre de la Ville – 13e Art

Sep 18, 2019 | Commentaires fermés sur Outwitting the devil, direction et chorégraphie Akram Khan, au Théâtre de la Ville – 13e Art

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

ƒƒ article de Marguerite Papazoglou

Dans le noir, une voix fatiguée : « Nuit après nuit, je fais le même rêve ». L’Homme vieux, acculé devant la mort qui vient, est hanté par les démons de son passé. « En ces temps-là », le temps ancestral se mêlant au temps d’aujourd’hui, l’humanité fait un cauchemar dont on ne se réveille pas.  Elle se revoit jeune, forte et inconsciente des conséquences de sa destructrice volonté de pouvoir. Akram Khan met en miroir notre temps et la problématique de la catastrophe écologique avec un épisode de la jeunesse de Gilgamesh : le combat avec Enkidu représentant la force primitive et sa domestication, leur voyage dans la forêt de cèdres où règnent des esprits et des animaux sauvages, le combat avec le gardien des lieux et la destruction qui s’ensuit, puis la punition des dieux. Cette trame, dont le passage de la forêt de cèdres provient d’une tablette d’argile retrouvée récemment, est elliptique. Pas de référence directe, quelques mots en voix off : un texte de Jordan Tannahill portant la voix intérieure de l’homme vieux et les images fortes d’une danse ultra expressive et intrinsèquement épique.

Comme un rituel mettant en scène les divinités même, ce qui se déploie dans cette pièce de façon grandiose c’est, de fait, de par le nombre et l’exubérance, la beauté muette, violente, « explosante fixe » et « érotique voilée » – pour reprendre la célèbre formule surréaliste – du non humain : fantômes, forces de la nature, animaux, dieux… La danse est surhumaine, dans un rituel ultime avec et pour les dieux, dans le mélange subtil des influences propre à Akram Khan, contemporain, kathak, bharata natyam, danses traditionnelles du sud-est asiatique, arts martiaux. Visages tordus dans un cri muet, orteils crochetant l’air, aux aguets dans chaque parcelle de leur corps, rampants et bondissants, ils crachent de la force vitale pure, une horreur monstrueuse, une colère sans limite au rebours d’une tendresse aussi soudaine que profonde.

Il est notable que ce Gilgamesh vieux n’endosse pas le rôle du sage. Dans sa double incarnation, l’Homme – Dominique Petit, danseur de 68 ans figure de la danse contemporaine des années 80, et Sam Pratt son double, jeune et cruel – est toujours plus ou moins agressif quoique non irréfléchi. En prédateur circonspect, il observe. Chorégraphiquement, regarder et attraper sont ses actions principales ; objectiver et s’accaparer. L’œil et la main. Position debout, muscles des bras tendus, noués, comme une extension de leurs propres doigts prêts à agripper, tête en avant, le dos toujours en force, la férocité dans les yeux de la tête portée par de larges épaules ; même vieux, au bord de la mort, derrière le grand voile noir de la honte, cette posture perdure. Il aura dompté ou détruit les animaux et les ressources de la nature, sera resté seul au milieu du désastre et mourra asphyxié du trop plein de lui-même. L’homme vieux est à la fois central et non agissant, un témoin. Car dans la tragédie dans laquelle nous vivons, les événements eux sont inéluctables. Il ne semble pas rechercher un antidote à ses faits et gestes, pas même une quelconque résurrection. La seule chose à faire semble être de se tourner vers son passé, le regarder et en être affligé de honte. C’est ce geste de l’archéologue, mis en abyme par l’homme lisant les décombres-tablettes noires comme autant de pierres brûlées et restes des villes, qui vient éclairer la conscience. Car, comme aime à dire Akram Khan, ce n’est que folie que de regarder vers le futur pour trouver une issue à l’impasse, car le futur est ce qu’on ne peut voir, il est derrière nous ; ce qui est en face, sous nos yeux c’est le passé. Ce n’est donc que là que l’on peut regarder pour envisager le présent.

On a nagé dans les mythes, on a vacillé devant la délicate plasticité ou le tranchant des corps, on a été subjugués par leurs regards et acquis à la cause. Mais le rituel a parfois vacillé car la musique, malgré une partition électroacoustique apocalyptique réussie, soulignant obstinément les actions d’une façon cinématographique a pu quelque peu en aplatir la richesse.

 

© Jean-Louis Fernandez

 

 

Outwitting the devil d’Akram Khan

Direction artistique et chorégraphie Akram Khan

Dramaturgie Ruth Little

Lumières Aideen Malone

Conception visuelle Tom Scutt

Musique originale & son Vincenzo Lamagna

Costumes Kimie Nakano

Texte Jordan Tannahill

Direction des répétitions Mavin Khoo

Voix off Dominique Petit

 

Avec Ching-Ying Chien, Joshua Jasper Narvaez, Dominique Petit, Mythili Prakash, Sam Pratt, James Vu Anh Pham

 

 

Du 11 au 20 septembre 2019 à 20 h

Durée 1 h 20

 

Théâtre de la Ville – Le 13ème Art
Centre commercial Italie

2, Place d’Italie

75013 Paris

 

Réservation au 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

 

 

Tournée

Les 24 et 25 septembre 2019 à 20 h

Düsseldorf Festival – Dusseldorf

Burgplatz

40213 Düsseldorf, Allemagne

Réservation au +49 211 82 82 66 0

www.duesseldorf-festival.de

 

Les 8 et 9 octobre 2019 à 20 h

Théâtre académique musical Stanislavsky et Nemirovich-Danchenko, Festival DanceInversion, Moscou

Bolshaya Dmitrovka 17,

125009 Moscou, Russie

Réservations : +7 (495) 723-73-25 ou +7 (495) 650-23-93

www.stanmus.com

 

Les 1 et 2 novembre 2019 à 20 h

Dunstan Playhouse, OzAsia Festival, Adelaïde, Australie

Festival Dr

Adelaïde SA 5000, Australie

www.adelaidefestivalcentre.com.au

 

Les 29 et 30 novembre 2019 à 20 h

Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence

380 Avenue Max Juvénal

13100 Aix-en-Provence

Réservation : 08 2013 2013

www.lestheatres.net

 

Les 5 et 6 décembre 2019 à 20 h 30, le 7 décembre 2019 à 19 h

Théâtre Royal de Namur, Belgique

Place du Théâtre, 2

B 5000 Namur

Belgique

Réservation : +32 81 226 026

www.theatredenamur.be

 

Les 10 et 11 décembre 2019 à 20 h

Centre Le Théâtre, Louvière, Belgique

Place Communale 22

7100 La Louvière, Belgique

Réservation : +32 64 21 51 21

www.cestcentral.be

 

Les 7 et 8 janvier 2020 à 20 h 30

La Comédie de Clermont Ferrand

Maison de la culture salle Jean-Cocteau

71, boulevard
 François-Mitterrand
63000 Clermont-Ferrand

Réservation : 04 73 29 08 14

www.lacomediedeclermont.com

 

à suivre…

 

 

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