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Où les cœurs s’éprennent, d’après Eric Rohmer, mis en scène par Thomas Quillardet, Théâtre de la Tempête

Juin 13, 2021 | Commentaires fermés sur Où les cœurs s’éprennent, d’après Eric Rohmer, mis en scène par Thomas Quillardet, Théâtre de la Tempête

 

© Pierre Grobois

 

ƒƒƒ article de Emmanuelle Saulnier-Cassia

Où les cœurs s’éprennent est une jolie création de Thomas Quillardet sous les auspices de Rimbaud, conçue comme un dyptique à partir de deux films d’Eric Rohmer, Les nuits de la pleine lune (1992) et Le rayon vert (1986).

Elle est jouée au théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes par la même distribution qui propose une heure plus tôt dans le Parc Floral de Vincennes une autre adaptation de Rohmer, L’Arbre, le maire et la médiathèque, sous la même direction de Thomas Quillardet.

Alors que les films de Rohmer abordent les relations amoureuses, le couple, le désir, sans morale et sans jugement, a quand même été placé en exergue aux Nuits de la pleine lune le faux proverbe « Qui a deux femmes perd son âme, qui a deux maisons perd la raison », que Thomas Quillardet s’approprie en projetant la maxime sur le mur en fond de plateau avant que le spectacle ne débute.

La mise en parallèle des deux récits permet d’encore et toujours traiter des relations amoureuses, mais avec deux fils rouges : comment faire face à la solitude, c’est-à-dire à soi-même ; les difficultés d’exprimer et assumer en tant que femme son indépendance et ses désirs profonds.

Louise vit en couple, mais ne ressent pas les mêmes besoins que Rémi avec lequel elle vit à Marne-la-Vallée. Elle a soif de liberté, veut sortir sans restriction, voir des amis sans être forcément accompagnée, boire, rentrer tard, tandis que lui rêve d’une vie de couple stable où « on sort ensemble quand on vit ensemble ». Pour préserver sa relation amoureuse, elle revendique un espace géographique de liberté, en imaginant occuper partiellement et parallèlement son studio parisien. Son assurance n’est en fait que de façade. Le vertige devant une courte expérience de solitude une soirée et une nuit, et l’expérience de la jalousie la mettent devant ses propres limites.

Delphine est confrontée d’une autre manière au même problème. Comment faire face à la solitude quand on est dans le fantasme d’une relation amoureuse classique et romantique ? Comment la supporter en son for intérieur et l’assumer à l’extérieur face à la famille, aux amis qui ne cessent de remuer le couteau dans la plaie (« il faut trouver une solution à ta solitude, tu es triste ») quand on traverse une phase de célibat, et en particulier quand il s’agit d’organiser pour la première fois ses vacances d’été sans être accompagnée et alors que le deuil d’un amoureux passé n’est toujours pas fait ?

Rohmer ne donne pas de réponse, même si un semblant de happy end semble conclure le Rayon vert… et Thomas Quillardet le suit en réussissant sur la forme à faire siennes les deux histoires, tout en respectant la couleur rohmérienne.

L’adaptation est de fait assez fidèle aux deux films, en particulier en raison de la reprise de l’essentiel de leurs scripts. Les silences et les parties sans texte (si importantes pour ce cinéaste) sont en revanche moins visibles dans la transposition théâtrale ce qui l’éloigne en conséquence un peu de l’esprit de l’œuvre.

Le metteur en scène utilise une même base de décor pour les deux parties du dyptique. Toute la superficie du plateau, d’abord recouvert d’une bâche noire, est exploitée. Un monolithe blanc trône à jardin, une table à cour. La bâche noire cède rapidement la place à une toile blanche qui va tout au long de la représentation de manière très inventive, être découpée, déchirée, soulevée pour en faire un lit, une porte, une tente, d’une manière extrêmement astucieuse, contribuant au dynamisme de la mise en scène et de la scénographie.

On ne s’ennuie pas une seconde. C’est enjoué et très bien joué. A voir accompagné(e) ou seule(e)…

 

© Pierre Grobois

 

Où les cœurs s’éprennent, à partir de deux films d’Eric Rohmer

Mise en scène Thomas Quillardet

Scénographie James Brandily

Assistant à la scénographie Long Ha et Fanny Benguigui

Décors Pierre-Guilhem Coste

Costumes Frédéric Gigout

Lumières Nadja Naira

 

 

Avec :

Clémentine Baert, Benoit Carré, Florent Cheippe, Nans Laborde-Jourdàa, Guillaume Laloux, Malvina Plégat, Anne-Laure Tondu, Jean-Baptiste Tur

 

Durée 2 h

Jusqu’au 19 juin à 20 h, dimanche à 16 h 30

 

Théâtre de la Tempête

Cartoucherie de Vincennes

www.la-tempete.fr

 

 

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