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Orphelins de Dennis Kelly, mise en scène de Chloé Dabert, au 104

Avr 13, 2016 | Commentaires fermés sur Orphelins de Dennis Kelly, mise en scène de Chloé Dabert, au 104

ƒƒ Article de Victoria Fourel

Orphelins

© Bruno Robin

Voyeurs assis autour d’une structure d’appartement, en bois, nous, public, assistons à une scène de la vie familiale. Ordinaire, pour un temps très court, elle dérape, et se change en un thriller haletant, en une catastrophe totale. Tout ça causé par l’irruption à l’heure du dîner de Liam chez sa sœur Helen.

Figure du théâtre contemporain, Dennis Kelly donne envie d’être porté à la scène, tant son langage est vif et quotidien, très marqué par le cinéma mais plein de théâtre. Chloé Dabert choisit d’entrer dans le coeur du texte dès les premiers instants, en imposant une contrainte très intéressante : un dispositif quadri-frontal, qui confronte chaque spectateur à un angle différent de l’action, et démontre un beau sens du détail chez la metteure en scène. Chaque pièce de l’appartement a son groupe de spectateurs, chaque siège a un point de vue différent sur cette structure. Dans la diction de même, il y a quelque chose d’artificiel, de précis, qui donne l’impression que tout est vaguement faux, ou triste. Si c’est parfois un peu redondant voire répétitif, il y a quelque chose de très drôle dans cette mollesse, cette routine dont les personnages ont du mal à sortir. Les comédiens déploient beaucoup d’énergie pour être perdus et alanguis, chose qui n’est pas aisée sur un plateau. On est tenu en haleine par ce suspense jusqu’aux coups d’éclat, qui rappellent que rien ne demeure jamais très longtemps à la même place.

Ce que l’œil perçoit aussitôt, c’est donc cette tension dramatique, l’incompréhension du couple chez qui surgit Liam. En jouant sur la rapidité des échanges, les traits de caractère simples et efficaces, Chloé Dabert nous fait oublier la fin si on la connaît, et nous la fait redouter, si l’on ne la connaît pas. Pourquoi Liam est-il couvert de sang, est-il innocent, pourquoi se répand-il en déclarations d’amour ? Et au fur et à mesure, le temps se distend, se fait plus généreux, et la soirée tragique de Helen et Dany se transforme en manifeste sur nos rues, notre regard sur l’autre, la violence qui nous habite. Cette pièce soulève à elle seule un questionnement moderne sur le Bien et le Mal, la famille, et aussi sur le genre du thriller.

Il y a quelque chose de très contemporain, qui englobe tout dans cette pièce, une forme de premier degré, dans une froideur un peu extrême qui ne laisse pas beaucoup de place à la surprise. Mais la simplicité doublée d’une grande exigence fait que le spectacle n’a besoin de rien d’autre pour nous mener jusqu’au bout de cette nuit d’enfer, rien d’autre pour être tenu.

Orphelins
Texte Dennis Kelly
Mise en scène Chloé Dabert
Avec Sébastien Eveno, Julien Honoré, Joséphine de Meaux
Du vendredi 8 avril au mercredi 4 mai
A 20h30 du mardi au samedi, à 16h le dimanche.

104
5 rue Curial – 75019 PARIS
Métro Riquet
Réservation 01 53 35 50 00
www.104.fr

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