À l'affiche, Critiques // One night with Holly Woodlawn, texte de Pierre Maillet, Régis Délicat et Charles-Antoine Bosson, Les Plateaux Sauvages

One night with Holly Woodlawn, texte de Pierre Maillet, Régis Délicat et Charles-Antoine Bosson, Les Plateaux Sauvages

Oct 08, 2019 | Commentaires fermés sur One night with Holly Woodlawn, texte de Pierre Maillet, Régis Délicat et Charles-Antoine Bosson, Les Plateaux Sauvages

 

© Tristan Jeanne-Valès

 

ƒƒƒ article de Denis Sanglard

La vie d’Holly Woodlawn méritait bien ça. Cet hommage à son image, complétement barré, extravagant et borderline. Holly Woodlawn, créature hors-norme, transsexuelle, actrice et chanteuse, pensionnaire de la Factory, égérie d’Andy Warhol et de Paul Morrissey. Sublime et cabossée, revenue de tout, de la drogue, du sida, à qui l’on déclara que son seul problème fut d’être encore vivante. Portrait d’une femme pour qui l’invention de soi débuta par des jambes rasées et des sourcils épilés dans un motel, entre Miami et New York. L’histoire d’un petit portoricain de Floride, trop oie blanche pour devenir pute, amie avec toutes, bientôt star de l’underground et dont Lou Reed fit le portrait, walk on the wilde side, chanson entêtante, à qui le premier couplet est dédié et dont le refrain, « sors des sentier battus », en résumé sois qui tu es, énonce à lui seul le combat d’une vie, parce que dans ce temps-là, monsieur, être trans n’allait pas de soi, les braises des émeutes de Stonewall étaient encore chaudes et le combat pour les droits LGBTQ à ses débuts. La Factory fut un court refuge, en compagnie de Candy Darling et de Jacky Curtis, deux autres figures amies, ayant porté haut ensemble, en affirmant avec panache leur différence et leur volonté farouche d’être elles-mêmes, cette révolution des mœurs, entre sexe, drogue et rock’n’roll, une vie trash avant le clash final, l’après Factory et les cabarets transformistes dont elle devint une figure incontournable.

Pierre Maillet sans chichi ni tralala évoque cette vie-là, ce personnage inoubliée de la culture queer. Évocation plus qu’incarnation. Car loin de jouer la carte du glamour et du camp, propre au cabaret transformiste où règne le torch song, quelques paillettes autours des yeux, une perruque à peine apprêtée, quelques robes sans ostentation suffisent dans ce dépouillement à camper cette personnalité hors-norme, cette figure mythique au panthéon transgenre et homo. Pierre Maillet préfère l’empire des signes. Emprunte mais n’incarne pas. Et c’est bien plus efficace. Pierre Maillet, un sacré personnage en soi, ne cesse pas d’être Pierre Maillet se refusant à se glisser dans la peau d’Holly Woodlawn, d’en être le travesti,  conscient sans doute d’une impossibilité à incarner justement celle qui toute sa vie fut sa propre et unique incarnation, une incarnation insaisissable, en constante mutation. Il y a quelque chose qui nous échappe, un mystère Holly Woodlawn que semble avoir pressenti Pierre Maillet.

Le cabaret est le lieu de tous les possibles, de toutes les libertés, de toutes les métamorphoses.  Il n’y avait donc pas plus bel hommage que de traverser cette vie précisément dans un tel lieu. Entre stand up et music-hall, Pierre Maillet raconte et chante, improvise avec une verve, une énergie, une folie Holly Woodlawn. Une évocation étourdissante, et magistrale, bouleversante et fragile aussi. Parce que le prix à payer d’une vie à s’inventer est lourd parfois. Rien ici n’est occulté. Et dans cette biographie insensée, inspirée de celle d’Holly Woodlawn, a low life in high heels (une vie de merde sur hauts talons, no comment mais toute la dérision écorchée de l’autrice est là) se glisse par effraction soudaine parfois la sienne propre… C’est d’une liberté totale et de dingue comme l’étaient les spectacles d’Holly Woodlawn, maîtrisé peu ou prou et quelque peu foutraque aussi, jouant de son imperfection même. Au risque du ridicule affirmait-elle. Mais de ce ridicule assumé Pierre Maillet, qui ne le craint pas, en extrait toute la flamboyance et la grâce absolues. Et toute sa force politique aussi… Too tootoo tootoo tootootootoo…

 

© Tristan Jeanne-Valès
 

 

One night with Holly Woodlawn, texte de Pierre Maillet, Régis Délicat et Charles-Antoine Bosson

Assistanat Edwin Halter

Musiques Charles-Antoine Bosson et Guillaume Bosson

Régie générale Thomas Nicolle

Perruques et maquillages Cécile Kretschmar

Costumes Zouzou Leyens

Une performance musicale de Pierre Maillet, Howard Hugues, Billy Jet Pilot, Luca Fiorello, Thomas Nicolle

Du 28 septembre au 05 octobre 2019 à 20h

 

 

Les Plateaux Sauvages

5 rue des Plâtrières

75020 Paris

www.lesplateauxsauvages.fr

 

 

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