© Ariel Tagar
ƒƒ article de Denis Sanglard
La danse comme un exutoire pour échapper au déterminisme et rompre avec les codes, la culturation inévitablement imposée, les obligations et les interdits d’une société. La danse comme une échappée, un point de rupture, une brèche dans les obligations religieuses et culturelles et la découverte d’une liberté intérieure dans un espace partagé hors de tout conflit d’appartenance. La danse d’Adi Boutrous, chorégraphe et danseur israélien, arabe et chrétien, ce qui n’est ici pas anodin, offre aux hommes la possibilité d’exprimer leur part d’humanité vraie, loin de tout stéréotype obligé, de schéma viriliste. Ce qu’il fait jaillir, c’est cette once de douceur enfouie, voire de féminité réprimée. C’est une mise à nu troublante et formidable ici d’expressivité où l’homme se dépouille d’une identité en trompe-l’œil. Ce qui se joue sur ce plateau entre ces quatre-là qui forment un quatuor relié fortement par une même énergie, un même élan, est un instant suspendu qui vous bouleverse par sa douceur et sa beauté sans apprêt. Une danse toute de sensualité où les portés acrobatiques – Adi Boutrous n’oublie jamais les enjeux physiques propre à la danse qu’il va jusqu’à exacerber – ne sont que l’expression toute nue et formidable d’une solidarité, d’une confiance donnée, jamais reprise. Ce qui est en jeu ici n’est pas la compétition, la rivalité mais la solidarité, la coopération, la complémentarité. Adi Boutrous et ses interprètes font de leur corps dépouillé volontairement de tout attribut l’instrument d’une vérité et d’émotions qui se refusaient jusque-là de paraître sous le glacis des préjugés. Il y a là comme une innocence retrouvée, une liberté acquise et sans ambiguïté aucune. Une danse d’une troublante sensualité fraternelle faite d’étreintes, où l’on s’agrippe, se cherche, se berce et s’abandonne à l’autre en toute confiance. Il n’y pas jusqu’aux regards qu’ils se portent qui ne soient empreint de ce désir de partager, d’aller vers l’autre. Ce qui prévaut, c’est le lien créé, l’énergie et le contact permanent qui les tiennent fortement, indissolublement, entre eux. Le corps détaché des autres ne tient plus, ne peux tenir. Chaque solo est un arrachement et porte ce déséquilibre soudain imposé, l’impression de la perte irrémédiable, le corps cherchant un autre corps, un appui qui n’est plus, n’étant plus soutenu, chute désespérément, irrémédiablement. C’est une danse sereine, au rythme étale, d’une énergie retenue, contenue et sans tension aucune. Une merveille de douceur, d’apaisement. One more thing évidemment porte l’empreinte d’une culture singulière et cosmopolite, empreinte de tensions, qu’Adi Boutrous prend à revers pour s’en détacher et lui donner un versant plus sensible, fouaillant pour au-delà des apparences et des stéréotypes, voire des clichés, faire émerger une vérité jusque là en sourdine, la fragilité et la douceur des hommes.
© Ariel Tagar
One more thing, chorégraphie, conception et montage sonore Adi Boutrous
Lumières Ofer Laufer
Direction des répétitions May Zarhy
Costumes Stav Struv Boutrous
Interprétations Adi Boutrous, Ariel Gelbart, Jeremy Alberge, Gal Gorfung
Du 22 au 28 février 2022
A 20 h, dimanche 27 à 15 h
Théâtre de la Ville-Les Abbesses
31 rue des Abbesses
75018 Paris
Réservations 01 42 74 22 77
www.theatredelaville-paris.com
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