Critique de Denis Sanglard –

Morceaux choisis

Philippe Decouflé déploie ses tentacules à Chaillot. Dernière création de D.C.A, Octopus est un puzzle, une création protéiforme où se répondent danse, musique et vidéo pour des poèmes chorégraphiques avec pour thème le désir, l’érotisme. Les corps, morcelés parfois, se dérobent, se frôlent, se caressent, se heurtent. Sensualité et violence, humour et mélancolie sont la trame de cette toile amoureuse, cette carte du tendre chorégraphiée pas à pas. Philippe Decouflé a opté pour la simplicité. La vidéo n’est qu’un contrepoint qui souligne un geste, illustre de façon comique une situation ou bien encore démultiplie et métamorphose, anamorphose un ensemble.

© Xavier Lambours

Mais le plus souvent seule la lumière découpe l’espace et sculpte les corps. Des corps fortement sexués mais qui interrogent aussi la notion de genre. Des corps tronqués pour ne laisser danser que les jambes ou les bras en des ballets cocasses et étranges, des corps bondés pour un trip SM en haute voltige dont les cordes dessinent d’étranges abstractions, des corps poilus aux jambes juchées sur des talons aiguilles interminables pour un défilé de mode déjanté… Les images mélangeant codes et genres se succèdent ainsi les unes aux autres jusqu’au choral final, une citation, l’inusable « Boléro » de Ravel chorégraphié par Béjart.

Catalogue raisonné

Philippe Decouflé voulait donner une tonalité rock à l’ensemble. Le compositeur Labyala Nosfell, accompagné par le violoncelliste Pierre Le Bourgeois, donne le tempo en direct. Baroques, rocks et sensuelles, ses compositions sont en parfaite harmonie avec l’ensemble, insufflant un souffle de folie et d’étrangeté à l’ensemble. Cela caresse et gifle. Même les danseurs y vont de leur participation s’arrogeant parfois les percussions. Il y a la volonté d’une œuvre totale puisque des textes de Christophe Salengro, dont c’est le retour « cathodique » dans la compagnie, et de Ghirasim Luca sont également lus.

© Xavier Lambours

Mais on peut sans doute regretter une chose, que Decouflé n’aille pas plus loin dans sa démarche. À vouloir plaire au plus grand nombre, cela affadi sans doute le propos qui parfois frise ici le mièvre. Cela apparait brutalement quand il dépouille la danse de tout artifice technique : il manque quelque chose, une profondeur, une force, sans les propositions farfelues ou les images poétiques. La danse mise à nu ne fonctionne plus. Nous restons comme en surface. Aucune réflexion ne nait de ce beau catalogue d’images. Et surtout si les pièces courtes sont une réussite dans l’ensemble, à contrario les pièces plus longues montrent leur limite. Elles semblent vite s’épuiser, tourner à vide. Parfois aussi la volonté de filmer le mouvement et de le retranscrire en direct oblige ce même mouvement sur le plateau à perdre de sa puissance, de sa projection. N’en demeure pas moins que Philippe Decouflé reste cohérent dans sa démarche. Ce qui en fait un  chorégraphe toujours aussi singulier à qui manque sans doute un engagement plus profond, au risque de la polémique.

Octopus
De et par : la Compagnie DCA / Philippe Decouflé
Mise en scène et chorégraphie : Philippe Decouflé
Musique originale et interprétation live : Labyala Nosfell, Pierre Le Bourgeois
Danseurs : Flavien Bernezet, Alexandre Castres, Meritxell Checa Esteban, Ashley Chen, Clémence Galliard, Sean Patrick Mombruno, Alexandre Nodet, Alice Roland
Eclairage et régie générale : Patrice Besombes assisté de Begonia Garcia Navas
Conception vidéo et films : Philippe Decouflé, Laurent Radanovic, Olivier Simola, Christophe Waksmann
Costumes : Jean Malo
Coiffuriste : Charlie Le Mindu
Construction et régie plateau : Léon Bony, Pascal Redon
Son : Edouard Bonan, Jean-Pierre Spirli
Participation cathodique : Christophe Salengro

Du 5 janvier au 4 février 2011

Théâtre National de Chaillot
1 place du Trocadéro, 75 016 Paris – Réservations 01 53 65 30 00
theatre-chaillot.fr

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