À l'affiche, Critiques // Nous pour un moment, d’Arne Lygre, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig, Odéon – Les Ateliers Berthier

Nous pour un moment, d’Arne Lygre, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig, Odéon – Les Ateliers Berthier

Nov 18, 2019 | Commentaires fermés sur Nous pour un moment, d’Arne Lygre, mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig, Odéon – Les Ateliers Berthier

 

© Elizabeth Carecchio

ƒƒƒ article de Nicolas Brizault

Sans doute un des spectacles les plus forts. Terrible dans son essence même, écrit par Arne Lygre, puis mis en scène, pour cette création, par Stéphane Braunschweig, comme pour nous bousculer, nous faire ouvrir les yeux, nous faire du bien et du mal. Nous pour un moment est une suite étrange de six « moments » entre deux, trois personnages, étant « ami-e-s », « ennemi-e-s », « inconnu-e-s », une « personne », etc., et qui à travers une structure très tendue et imposante racontent ce qu’ils vivent, ont vécu. Puis ils disparaissent et celui ou celle qui reste poursuit « l’odyssée » en devenant un nouveau personnage en lien avec l’un des précédents : pour ne donner qu’un exemple, une femme meurt, se noie, est morte puis se relève et devient son mari apprenant qu’elle vient de mourir. Tout se suit, se bouscule, l’amour, la mort, la honte, la colère, et surtout la solitude, toutes les questions qu’elle pose cette solitude, toujours différente, toujours la même, toujours là hélas. Tout se suit, se reflète plutôt, le sol est une immense étendue d’eau, invisible avant l’arrivée des premiers personnages, puis ensuite s’ondulant, lumière étrange ou douce sur les murs blancs, mains liquides et sauvages tentant sans cesse de récupérer, laisser fondre, dissoudre les personnages. Scénographie ahurissante. Entre chaque « propos », les cloisons se soulèvent, semblent donner enfin de la liberté, du possible, et retombent doucement, enferment. Cette eau si présente peu à peu devient invisible, simple élément de détresse en plus, simple écho.

Nous pour un moment montre la rapidité, la lenteur même de la rapidité, la chute, les essais, les désirs entre hommes et femmes, les femmes avec les femmes, père et fils, deux hommes, puis la solitude elle-même, la force, sa violence, sa fureur. Nous pour un moment tourne. Se détourne, ne nous voit même pas pleurer, comme des cons, assommés par les images, les mots. Les images de mots aussi, pourquoi pas. Qui est qui ? Qui fonctionne comment avec qui ? De quelle manière ?

Au tout début, premières rapides minutes, échange entre deux femmes, on a peur, les sons ont un écho particulier, qui semble trop sûrs d’eux, l’ennui tente de faire croire qu’il va naître. Non, il se prend les pieds dans le tapis, se vexe et part en courant. Une intensité remarquable le remplace. Viennent les mortes, les seuls, les mal-aimés et les pas aimées du tout, sœur et mère, ici et là. Toujours la même chose en fait, ce qui ne vient jamais, l’amour, le tout con, l’inattendu. La lumière, l’eau, les murs. Tout ce qui n’est même plus un souffle.

Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon et Jean-Philippe Vidal (ils faut les citer, les applaudir) sont sept, deviennent dans ce cercle étrange une vingtaine qui se suivent, s’écoulent, passent. Ils ont tous, chacun, chacune un pouvoir plus qu’irrationnel : ce sont les mêmes, les « rôles » seuls avancent, se séparent, le même comédien joue là, et pourtant on ne le reconnaît pas, rien n’est identique, ils sont bien une vingtaine en réalité. Plus même, beaucoup plus avec toutes les histoires qu’ils viennent remuer en nous, qu’ils nous font comprendre, abandonner, sans même s’en douter eux-mêmes.

Nous pour un moment, en norvégien La deg vӕre, qui veut plutôt dire « laisse-moi être », n’a rien de calme, de simple. N’ayez pas peur néanmoins, n’hésitez-pas. Posez-vous les questions nécessaires, écoutez, plonger. Cela vous fera du bien. N’ayez-pas peur. Oui, difficile de rentrer chez soi après, la tête ailleurs.

 

© Elizabeth Carecchio

 

Nous pour un moment, d’Arne Lygre
Mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig
Traduction française Stéphane Braunschweig et Astrid Schenka
Collaboration artistique Anne-Françoise Benhamou
Lumière Marion Hewlett
Costumes Thibault Vancraenenbrœck
Son Xavier Jacquot
Maquillages/coiffures Karine Guillem
Assistanat à la mise en scène Yannaï  Plettener
Création avec Anne Cantineau, Virginie Colemyn, Cécile Coustillac, Glenn Marausse, Pierric Plathier, Chloé Réjon, Jean-Philippe Vidal
Du 15 novembre au 14 décembre 2019
Relâche le 17 novembre
Durée 1 h 35

 

Les Ateliers Berthier
1, rue André Suarès, 75017 Paris

Renseignements  : +33 1 44 85 40 40

www.theatre-odeon.eu

 

 

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