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Notre innocence, de Wajdi Mouawad, mise en scène Wajdi Mouawad, Théâtre National de la Colline

Mar 20, 2018 | Commentaires fermés sur Notre innocence, de Wajdi Mouawad, mise en scène Wajdi Mouawad, Théâtre National de la Colline

© Tuong-Vi Nguyen

Théodore Lacour

Une bien désopilante innocence !

On sort perdu de ce spectacle et malheureusement pas comme dans une de ces perditions où l’on sent profondément qu’elle ouvre en nous un chemin, un gouffre dont peut émerger du nouveau qui déflorerait notre innocence. Il est parfois des propositions qui voudraient tellement en dire, qui s’égarent dans tant de directions qu’à la fin l’animal se mord la queue et ce qui semble apparaître dans la volonté de l’auteur se retourne par la l’acte du metteur en scène.

On assiste à une juxtaposition de tableaux, aux titres crus et très ouverts tels que « La viande », « La chair », « Le corps », etc., traitant de ce qui se voudrait être un regard sur la vie, le monde et la jeunesse. Le prétexte c’est la rencontre d’un groupe de jeunes gens après l’annonce de la mort d’une de leur amie – Victoire – qui nous est décrite comme un être très libre et complexe et qui laisse une enfant, orpheline : Alabama. Cette enfant va prendre la place du « guérisseur des maux », de l’espoir de ce groupe éclaté et abandonné par Victoire.

Toute la première scène, dans son traitement documentaire, nous présente le contexte général de ce travail : Victoire a réellement été l’amie d’un groupe d’acteurs avec lequel le metteur en scène a travaillé en 2015 et que cet évènement dramatique a bel et bien eu lieu ! Cela a pour conséquence de répandre une sorte de miel émotionnel autour de l’objet avant même que celui-ci ne se soit déroulé et agit comme une plongée dans du « reality » venant colorer notre regard de spectateur.

Ensuite l’auteur propose à cette même jeunesse de nous crier qu’elle n’en veut plus de notre mode de pensée, de nos gloires politiques passées et du regard que nous portons sur eux. Dommage la salle est pleine de lycéens qui finalement seront assimilés aux vieux « has been » que nous sommes. Comprenant, néanmoins cette révolte, on se demande alors ce que le texte et son metteur en scène va nous proposer à part nous dire que c’est un peu nous les « cons ». Il leur/nous propose la forme la plus classique de théâtre. Ici, un jeu supra incarné et surtout des acteurs abandonnés parce que pas vraiment dirigés, tous amenés à jouer dans une sorte de passion intérieure, une brûlure comme seul possible position face à la douleur de la perte. Là, des individus se « crachant littéralement à la gueule » des insanités et des propos malveillants sans aucune poésie, ni réel regard politique. Nous entrons encore un peu plus dans du « reality show » Oh joie !!

Et puis plus loin, pour couronner le tout, le symbole de l’enfant : Alabama comme l’innocence portant la figure de celle qui vient sauver quelque chose en ce groupe : enfant lui-même issu d’une mère au doux prénom de Victoire qui se trouve être vierge. Cela ne vous rappelle il donc rien ?

Donc nous voilà commençant la saga sur les escaliers de la gare Saint Charles de Marseille où une comédienne nous donne à entendre son bonheur de pouvoir travailler avec Wajdi Mouawad et sa rencontre avec lui et terminant par une présence « biblique féminine » juchée sur sa chaise centrale nous prenant tous sous son aile pour parcourir la difficulté du monde et de l’avenir !! Autant dire que le show est total !!

On a le sentiment d’assister à une sorte de théâtre événementiel tout azimut qui voudrait satisfaire à tous les goûts en balayant un spectre d’une largeur telle que nous ne savons plus de quoi il s’agit vraiment et passant par tous les types de paroles (réalisme documentaire, la parole collective type pensée unique, la scène muette, la dialoguée, l’amplifiée) ce qui contribue à complexifier et obscurcir le propos ; le tout sur un fond de scénographie – certes efficace – qui mets l’accent sur une esthétique assez glamour et branchée.

Notre innocence qui ne nous pas même juste embarqué ! Quel dommage !!

 

Notre innocence

Texte et mise en scène Wajdi Mouawad

Avec Emmanuel Besnault, Maxence Bod, Mohamed Bouadla, Sarah Brannens, Théodora Breux, Hayet Darwich, Lucie Digout, Jade Fortineau, Julie Julien, Maxime Le Gac-Olanié, Etienne Lou, Hatice Ozer, Lisa Perrio, Simon Rembado, Charles Segard-Noirclère, Paul Toucang, Mounia Zahzam, Yuriv Zavalnyouk, et en alternance Inès Combier, Aimée Mouawad, Céleste Segard

Assistante à la mise en scène Vanessa Bonnet
Musique originale Pascal Sangla
Scénographie Clémentine Dercq
Création lumière Gilles Thomain
Costumes Isabelle Flossi

Du 14 mars au 11 avril 2018
Du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30
Durée : 2h10

 

Théâtre National de la Colline
15 rue Malte Brun
75020 Paris

Infos et réservations : 01 44 62 52 52 du mardi au samedi de 11h à 18h30
http://www.colline.fr

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