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Nos corps vivants d’Arthur Perole, au Théâtre de la Ville (Espace Cardin) dans le cadre du Temps fort jeunes créateurs

Avr 26, 2022 | Commentaires fermés sur Nos corps vivants d’Arthur Perole, au Théâtre de la Ville (Espace Cardin) dans le cadre du Temps fort jeunes créateurs

 

© Nina-Flore Hernandez

 

 

ƒƒƒ article de Nicolas Thevenot

Nos corps vivants. Nos vies. Nos amours. Nos peines. Nos désirs. Nos angoisses. Nos retraits. Nos émois… Nous. Emporté par la ronde furieuse et tumultueuse d’Arthur Perole, je me sens pousser des ailes, et je pourrais laisser fleurir, « C’est pour moi seule que je fleuris déserte » écrit Pessoa, citant Mallarmé, ces listes d’affects qui nomment chacun de nous et fondent notre humanité. Un nous, pleinement incarné, imparfait, vulnérable, unique et universel. Bien éloigné des « Nous tous » aseptisés et autres slogans de campagne. Arthur Perole m’aura préalablement accueilli dans le studio de l’Espace Cardin, comme chacun des spectateurs, m’offrant des confiseries dans un panier, ressuscitant presque la séance de cinéma à l’ancienne… à moins que ce ne soit Jacques Brel et son Je vous ai apporté des bonbons… je me suis senti bien. Je me suis senti entouré. Je me suis senti être vivant.

C’est à nous, spectateurs, d’entourer la petite scène carrée aux allures de dance floor circonscrite par les gradins. De ce dispositif central, nait littéralement et physiquement une disposition aux autres, une attention au public imposant à la danse une giration sans fin. La danse contemporaine a effacé la frontalité, certes, mais ici quelque chose de plus profond et signifiant opère : dans cette danse sur soi, tel un retour en soi, c’est un repli qui paradoxalement se déplie sans fin, comme une floraison qui de l’intime se métamorphose en publique, les pétales du danseur s’ouvrent et se referment sans cesse sur le podium, se dévoilent et échappent. L’envers du décor n’est pas l’envers du corps, le dos, les épaules, vibrent de ce qui s’offrent à d’autres. Dans cette mise en partage de soi, il y a presque de la dévoration tant sont perceptibles les regards aimantés du public se pressant sur chaque fragment de ce corps donné à voir. Et une émotion à voir disparaître un visage, un geste, masqué par une rotation qui nous offre alors son souvenir. Et me revient en mémoire ce film taiwanais (Yi Yi) où un enfant ne prenait en photo que les dos de ses proches. Pudeur et vérité cachée.

Nos corps vivants se déploie sur une musique de Marcos Vivaldi. Sample de voix, boucles électroniques, citations musicales forment un maelström sonore et sensible où le corps d’Arthur Perole s’emporte et se diffracte comme sous autant d’injonctions contradictoires. Paroles d’adolescent et récit autour de Rosa Bonheur affleurent : nos corps vivants subissent les contraintes de leur environnement façonnant dans la norme le paraître. Disjonction douloureuse avec l’être. Arthur Perole est virtuose dans cette mise en branle saccadée de l’être stimulé et sommé de toute part, ne sachant plus où donner de la tête pour aimer et se faire aimer. Il est prodigieux dans cette continuité de la discontinuité portée par le corps. Il est le vortex de la vie des émotions, il est, disco, la boule à facettes tournoyante des affects qui brillent de milles éclats et nous étreignent et nous éreintent, il est l’homme de glaise, golem, s’effondrant et se relevant de terre, il est, animal, un taureau peint par Picasso, taillé en pièces et retrouvé dans sa vigueur originelle, il est Gena Rowlands, love streams.

Quand l’apaisement viendra, dans une immobilité silencieuse aussi soudaine que la fin d’un orage, le corps tressautant encore de l’effort que nous coûte la vie, le corps glorieux d’Arthur Perole se parera de l’auréole divine des vivants : des gouttes de sueur scintillantes dans la lumière dorée d’une fin de soirée. Quelque chose de l’ordre de la grâce, indicible. De la tendresse et du plaisir. Au son d’une chanson de Françoise Hardy, j’eus envie de me lever, et de courir à perdre haleine et de le retrouver. Message personnel.

 

© Nina-Flore Hernandez

 

Nos corps vivants,  de & avec Arthur Perole

Accompagné du musicien Marcos Vivaldi

Collaborateur artistique : Alexandre da Silva

Lumières : Anthony Merlaud

Son : Benoît Martin

Costumes : Camille Penager

 

Durée : 45 minutes

Du 20 au 23 avril à 19 h

 

Théâtre de la Ville

Espace Cardin

1 avenue Gabriel 75008 Paris

Tél : 01 42 74 22 77

https://www.theatredelaville-paris.com

 

 

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