Critiques // Critique • « Nord-Est » de Torsten Buchsteiner par la Cie C.O.C / Festival Une Semaine en Compagnie

Critique • « Nord-Est » de Torsten Buchsteiner par la Cie C.O.C / Festival Une Semaine en Compagnie

Sep 16, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Nord-Est » de Torsten Buchsteiner par la Cie C.O.C / Festival Une Semaine en Compagnie

Critique d’Ottavia Locchi

Monologues de veuves pour parler du terrorisme actuel.

Moscou, 2002, pendant la représentation de Nord-Est, la toute première comédie musicale russe, 42 rebelles tchétchènes prennent d’assaut le Théâtre sur la Doubrovka. La prise d’otage de trois jours est relatée par trois femmes. Trois voix, trois points de vues, trois vies qui vont retracer cet attentat, heure par heure. Avant. Pendant. Pourquoi. Comment. Après. Les détails. De la tension. Beaucoup de tension. De la longueur aussi, beaucoup de longueur…

Cette pièce est basée sur trois séries causales indépendantes, qui vont former une seule et même histoire. Elles racontent chacune la chronique de cet attentat, de leur point de vue. Rarement elles entrent en contact, sauf quand elles se croisent, par hasard.
Leurs rôles sont déterminants, et les trois femmes respectent jusqu’au bout le drame que vivent leur personnages, qui changera leur vie à jamais. La première, Zura (Leïla Guérémy), veuve noire tchétchène, se lance désespérément dans le terrorisme pour venger son mari, disparu en guerre de Tchétchénie. La deuxième, Tamara (Julie Dumas), lettone et veuve également, agira en tant que médecin à l’extérieur du théâtre, ayant sa fille et sa mère à l’intérieur. La troisième, Olga (Béatrice Michel) est simple moscovite dans le public, venue passer une soirée exceptionnelle accompagnée de son mari et de sa fille.

De ces trois points de vues féminins, c’est le terrorisme que l’on découvre au théâtre. Un sujet pour le moins délicat, car les attentas relatés ont eu lieu il y a moins de dix ans. La pièce Nord-Est (Nordost) a été présentée pour la première fois en 2006 à Stockholm, dans le théâtre de Ingmar Bergman « Dramaten ». Depuis, il tourne en Europe et ne cesse de toucher un public à la fois inquiet et curieux.
Ici, pas de minimalisme ni de dramatisation. Le sujet est sérieux, et grâce aux trois regards de femmes, le terrorisme se mesure à taille humaine. Au centre des revendications, l’arrêt de la guerre en Tchétchénie. Pour y parvenir, péril de mort pour tout le monde.

Une prise d’otage à double niveau.

Si le texte de Torsten Buchsteiner est saisissant, la mise en scène d’Andreas Westphalen nous met à l’épreuve : dans un effet de style ralenti qui permet de palper la tension, les trois comédiennes semblent évoluer à reculons. Leur élocution parfaite et le calme de leur voix nous bercent et nous perdent pendant la première partie, celle où elles racontent « l’avant ». Puis on fait quelques liens, et la deuxième partie nous réveille ; on entre dans le cœur de l’action. Action ? Récit, plutôt. L’effet de style produisant toujours la même résultante, on s’accroche au fond de son siège en fronçant les sourcils. Sourcils qui finissent par céder à la somnolence pendant la troisième partie, l’ « après ».
Pourtant elles se donnent du mal. Pourtant l’histoire est palpitante. Pourtant on est touchés. Pourtant la mise en espace est claire. Pourtant… cela manque de rythme. Ce n’est pas haletant, ou trop peu. Certes, ce sont trois jours d’attente et d’horreur. De ce point de vue, la transposition théâtrale est réussie. Mais comment se fait-il qu’on puisse entrevoir de l’ennui lorsque l’orage gronde ?

Cette aventure théâtrale, où l’on se sent quelque peu otage nous-mêmes, ne nous empêche pas d’entendre, de revivre et pourquoi pas de comprendre ce qui s’est passé à Moscou en octobre 2002.
Torsten Buchsteiner nous propose une approche de la réalité qui donne la parole à tous. Cet épouvantable attentat fait le bilan de 143 morts, et la pièce pose inévitablement la question à qui les doit-on véritablement ?

« Restez bien calmement dans vos sièges »
« On tremble tous tellement que ça fait branler la rangée de fauteuils »
« La salle est pauvre en oxygène, l’air est suffocant »
« Je ne sais pas si le principe de Vendetta est un bon principe. Mais ça, je le saurais quand j’aurais vengé Hasslane. »
« En fin de compte, les veuves ont obtenu vengeance car il y en a plus d’une qui est devenue veuve… »

Nord-Est
De : Torsten Buchsteiner
Traduction : Pascal Paul-Harang (L’Arche Editeur)
Par : la Compagnie C.O.C.
Mise en scène : Andreas Westphalen
Avec : Julie Dumas, Leïla Guérémy, Béatrice Michel
Assistant à la mise en scène : Gabriel Barbieri
Collaboration artistique : Alexandra Lacroix
Dramaturgie : Pierre-Vincent Chapus
Lumières : Nicolas Barbieri
Création sonore : Jérôme Baillet
Costumes : Claire Djemah

Du 13 au 15 septembre 2011
Dans le cadre du festival
Une Semaine en Compagnie
Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e – Réservations 01 48 05 88 27
www.maisondesmetallos.org

Reprise du 7 mars au 22 avril 2012
Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre-Dame des Champs, Paris 6e
Réservations 01 42 22 26 50
www.lucernaire.fr

www.compagniecoc.com

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