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« Noï due » texte et mise en scène de Dominique Pacitti, Essaïon Théâtre

Juil 03, 2015 | Commentaires fermés sur « Noï due » texte et mise en scène de Dominique Pacitti, Essaïon Théâtre

ƒ article d’Anna Grahm

 

noidue14629Elles viennent du même village du sud de l’Italie. Elles ont partagé les mêmes bancs d’école, les mêmes jeux, bavardages et punitions. Et elles ont grandi et un jour elles ont dit Basta. Basta aux conventions, aux petites vies écrasantes et tracées d’avance. Elles ont rompu le carcan dans lequel on les avait enfermées. Un jour elles sont parties chacune de leur côté mais sans jamais se perdre de vue.

Bien qu’elles soient différentes, l’une timide et l’autre plus extravertie, elles se ressemblent étrangement. On dirait des jumelles. Le yin et le yang. Il y a entre elle un lien particulier, une fraternité, une amitié indéfectible. Que rien, ni le savant dressage de l’internat de bonnes sœurs, ni l’éloignement ne pourra briser.

La mise en scène de Dominique Pacitti choisit pour raconter leur histoire, une écriture cinématographique : gros plan sur les petits souliers blancs et les rires d’enfants, close-up répétés qui deviendront marqueurs du temps, qui reviendront tout le long du spectacle sur les escarpins hauts en couleurs, sur les talons aiguilles tout en strass, les baskets, et les pieds nus, qui seront autant de clins d’œil de projecteurs pour éclairer l’évolution de leurs parcours respectifs.

Car celles-ci progressent – de façon chaotique souvent – dans un tourbillon toujours, et de joies et de souffrances. A travers ces deux jeunes femmes c’est aussi un peu le récit de l’émancipation féminine des années 60 à aujourd’hui qui s’inscrit en pointillés. Pour fuir l’univers des préjugés machistes qui les jugent, les instrumentalisent de façon implacable, se dessinent deux trajectoires. L’une pleine d’élans, d’audace et de vitalité, malgré la maladie qui aura raison de ses rêves de comédienne mais qui vivra mille vies étourdissantes. L’autre, plus renfermée, plus sombre, plus torturée, qui semble enchaînée à un douloureux secret mais qui touchera du doigt les sunlights, foulera les tapis rouges et réalisera le vœu que son amie avait dû abandonner.

Pour incarner cette traversée de l’époque, deux magnifiques comédiennes : d’un côté Valérie Baurens, la combattante, la joyeuse qui collectionne les exils et les amants et se voit régulièrement reprocher ses frasques par sa sœur de cœur. De l’autre, Maria Pitarresi, la fragile, la fêlée qui au terme d’un long travail psychanalytique finira par accepter son attirance homosexuelle et suscitera, par ses engagements, ses questionnements, une admiration sans borne chez son âme sœur.

Comme au village où chacun sait tout sur chacun, chacune apprendra tout de l’autre par correspondance. Face public elles se confient à distance leurs projets, leurs épreuves, leurs doutes, leurs errances. Mais l’amour indicible qui les lie, qui les rapprochera, saura-t-il survivre à l’épreuve de la réalité. Est-ce l’enfant qui vient qui convoque l’éternité ?

Restent les instants de tendresse, ces images de ralenti où chacune devient plus grande au contact de l’autre. Restent ces pas de danse pleins de grâce et ce goût d’ivresse qui brûle les ailes des artistes. Reste aux femmes encore beaucoup à défaire, pour ne plus avoir à faire ce choix qui les condamne à être ou mère madone ou putain.

 

Noï due
Texte et mise en scène Dominique Pacitti
Collaboration à l’écriture Valérie Baurens et Maria Pitarresi
Concepteur lumière Greg Varley

Du 25 juin au 5 septembre 2015
Les jeudi, vendredi et samedi à 19h30

Essaïon Théâtre
6, rue Pierre au Lard – 75004 Paris
Réservation 01 42 78 46 42
www.essaion-theatre.com

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