À l'affiche, Critiques // Nié Qui Tamola, au Cabaret Sauvage, de la compagnie Trois points de suspension, dans le cadre de l’Eté à La Villette

Nié Qui Tamola, au Cabaret Sauvage, de la compagnie Trois points de suspension, dans le cadre de l’Eté à La Villette

Juil 21, 2016 | Commentaires fermés sur Nié Qui Tamola, au Cabaret Sauvage, de la compagnie Trois points de suspension, dans le cadre de l’Eté à La Villette

ƒƒ article de Florent Mirandole

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Avec Nié Qui Tamola, on marche sur la ligne de crête d’une immense montagne. L’équilibre est précaire, mais pourtant il tient tout au long de cette pièce. Cette ligne de crête, c’est celle de l’humour face au néo-colonialisme triomphant de la 5ème République. Pendant 2h30, la troupe Trois points de suspension déroule sa vision de la Françafrique, faite de flashback historiques et de personnages délirants, d’images télé inventées et de sculptures africaines mythologiques. L’intelligence de la pièce, c’est de ne jamais tomber dans le message politique à grosse ficelle, ni dans le cynisme anarchisant. La grande troupe déroule son histoire, en utilisant la figure centrale du divin Daniel Meynard, pour produire un spectacle intelligent et engagé.

Daniel Meynard, personnage de la couverture des Guide du routard, est la porte d’entrée dans l’univers burlesque et délirant de la troupe. Erigé en symbole de la bienveillance à double tranchant des humanitaires plein de bons sentiments, Daniel Ménard est présenté comme un être quasi surhumain, objet d’un culte acharné. La troupe, première fidèle de Daniel Ménard, propose très vite après une courte introduction de découvrir Daniel Ménard à travers plusieurs œuvres autour du personnage dispersées autour de la scène. C’est alors une démonstration de loufoquerie et d’inventions gentiment dérangeantes. On apprend ainsi à tirer sur des animaux d’Afrique avec un pistolet sur un jeu vidéo par exemple. On est également invité à deviner sa propre identité en répondant à un questionnaire. A la question « Pourquoi es-tu africain ? », il est alors possible de presser le bouton qui indique « parce que j’ai déjà été soigné par une ONG ». Des passerelles avec la crise actuelle des réfugiés sont également créées, et donne lieu à de nombreuses autres inventions, dont le mauvais gout assumé est souvent hilarant.

C’est toutefois dans la représentation de la Françafrique que la troupe révèle ses talents. Un acteur se charge d’ailleurs de l’ensemble de la présentation de 3 fois 20 minutes. Le retour sur l’histoire de De Gaulle et de Jacques Foccart, ou de Mitterrand et de Blaise Campaoré sont l’occasion de mises en scène incroyables. Les personnages historiques deviennent des jouets entre les mains de la troupe, plongeant dans les remous boueux de la Françafrique pour faire ressortir par l’humour les plus belles entourloupes de la 5ème République. Le comédien porte avec talent toutes les scènes par ses imitations et ses trouvailles. On plonge dans la grotte secrète de Jacques Foccart comme on croit aux forces magiques de Valérie Giscard D’Estaing. On retrouve du Philippe Caubère dans la capacité à habiter plusieurs personnages, perdu au fond de la jungle ou trônant dans le palais de l’Elysée, tout est démesuré, absurde et déjanté. Mais jamais gratuit. La multitude d’allusions sont là pour coller au réel, aussi déjantées que soient les scènes. La scène de clôture avec DJ Yabon est ici nécessaire, et laisse un petit gout amer dans la bouche. Le gout de la Françafrique éternelle.

 

Nié Qui Tamola
Avec Cédric Cambon, Nicolas Chapoulier, Jérôme Colloud, Paul Courlet, Antoine Frammery, Mathieu Fonfria, Anthony Revillard, Gaël Richard, Nicolas Turon

Du 15 au 30 juillet 2016

Au Cabaret Sauvage
Metro : Parc de la Villette
211 avenue Jean Jaurès – 75019 Paris
Tél : 01 42 09 03 09

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