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Critique • « Neuf Mètres Carrés » par la Cie des Rescapés / Festival Une Semaine en Compagnie

Sep 17, 2011 | Aucun commentaire sur Critique • « Neuf Mètres Carrés » par la Cie des Rescapés / Festival Une Semaine en Compagnie

Critique de Ottavia Locchi

La prison : des jours, des mois ou des années mots à maux.

Jamais on ne saura leur identité, et très rarement leurs délits. Jamais le système judiciaire français ne sera controversé. Les textes que nous entendons ne sont que des témoignages sur ce qu’est la prison, vu de l’intérieur. À l’intérieur des murs et à l’intérieur de soi, en prison les détenus sont confrontés à une « deuxième vie ». Voici ce que Neuf Mètres Carrés propose, avec cette adaptation du recueil de Jean-Pierre Guéno Paroles de Détenus.

© la cie des Rescapés

De la symbolique un peu partout…

Neuf mètres carrés, c’est la taille d’une cellule. Neuf mètres carrés d’espace scénique, autour duquel le public est disposé en trois rangs, voilà la proposition du metteur en scène Sébastien Chenot. Dans cet espace restreint défilent sept comédiens, tantôt devant nous, tantôt derrière nous, tantôt cachés derrière ces panneaux en tissus blancs qu’ils manient pour composer les décors.

La symbolique semble être un maître-mot dans le travail de la Compagnie des Rescapés. À peine commencé, leur premier geste est d’enlever leurs vêtements “civils” pour enfiler une nouvelle peau, des vêtements noirs, neutres. Le « maître du jeu » enferme quelques objets personnels (casquette, bijoux) dans un coffre fort. Le bruit de ce coffre qui se referme envoie automatiquement notre esprit vers la porte de la prison qui se ferme derrière le détenu…
Les textes sont divisés en sept parties (sept ? Encore un symbole !) représentant les jours de la semaine, associés à leur signification (pour ne pas employer le mot symbolique) : La Lune, Mars, Mercure, Jupiter, Vénus, Saturne et le Soleil (Dieu) établissent une sorte de thématique relative.

« La mort par perfusion d’éternité »

© La cie des Rescapés

Entendre les mots directement employés par ceux qui ont vécu la prison, c’est tout de même saisissant. Certains reviennent souvent, d’autres frappent en une seule fois : domination, soumission, humiliation, privation d’identité, violation d’intimité… Les textes sont parfois étonnamment littéraires, bien souvent sincères, pas beaucoup plaintifs. On rencontre celle qui a trouvé comment tuer le temps pour ne pas avoir à le regarder en face, celui qui avait un compagnon de cellule traumatisant, celle qui prend son sursis comme un prologue à sa nouvelle vie, le père de famille qui cesse d’être un matricule le temps de voir ses enfants, autant de portraits différents, de témoignages, de précieux mots et quelques phrases clés de l’idée générale : « Je compare beaucoup la prison à une époque : le Moyen-Âge. »

Un enchevêtrement de comédiens dans 9m2 !

Comment faire tenir sept comédiens dans un si petit espace ? Et bien, on les bouge. Un coup derrière, sur le côté, entre les rangs, et en plus on leur donne un rôle très exaltant : celui de changer les décors. Et ça tombe bien parce que du décor, il y en a ! À l’aide d’une dizaine de grands panneaux en tissus, une multitude de scénographies possibles ; les panneaux passent devant nous, derrière nous, sur le côté, coupent la scène en deux, en quatre, en biais, nous encerclent… Une véritable chorégraphie des décors nous est offerte. Mais si nous venions écouter des paroles de détenus, ce n’était pas pour voir le ballet des Rescapés…
Si l’idée de base est plutôt intéressante, il est dommage que tant d’encombrement nous empêche de ressentir le vide imposé par la prison.

Cependant, les monologues se font entendre. Les interprétations sont là, basées sur un travail de neutralité qui laisse une jolie résonance aux témoignages. Un dernier regret, que certains textes soient dits en même temps, chacun pour une partie du public. Même si l’on comprend la volonté de couper le son (après avoir coupé la vue), l’impression d’avoir manqué quelque chose peut subsister, sans avoir pour autant manqué de cerner le sujet… Ce sujet qui, enfin, prend la parole grâce à cette compagnie investie, qui ne manque pas d’idées pour défendre un constat : « Voilà ce que nous disent les détenus de France ».

Neuf Mètres Carrés
D’après : « Paroles de détenus », lettres et écrits de prisons sous la direction de Jean-Pierre Guéno et de Jérôme Pecnard (éd. Radio France/Les Arènes et Librio)
Par : la Compagnie des Rescapés / le Théâtre Ailleurs et Autrement
Mise en scène, scénographie : Sébastien Chenot
Avec : Didier Billon, Pierre Devanne, Nathalie Lacoste, Camille Lamache, Audrey Le Boedec, Céline Romand, Geoffroy Vernin
Création lumières : Antoine Cherix
Musique : Florian Billon

Les 13, 14 et 15 septembre 2011
Le mardi à 19h, le mercredi 18h et le jeudi à 18h et 22h
Dans le cadre du Festival
Une Semaine en Compagnie

Maison des Métallos
94 rue Jean-Pierre Timbaud, Paris 11e
Métro Couronnes, Parmentier – 
Réservations 01 48 05 88 27
www.maisondesmetallos.org

www.lacompagniedesrescapes.com

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